Nous nous acheminons lentement mais surement vers une année blanche, tant les positions sont irréconciliables et la volonté ferme, de part et d’autre, à ne pas céder d’un iota. Le hic est que tout ce spectacle ahurissant entre enseignants et gouvernement se passe au nez et à la barbe des parents d’élèves et des Associations œuvrant pour une école apaisée et performante, sans réagir. Ils pourraient même être taxés de complices du gouvernement tant leur silence face à cette gravissime situation scolaire est assourdissant. Comment les acteurs de l’école malienne et de surcroit tout le peuple pourraient-ils rester indiffèrents à la destruction de l’avenir de la nation et accepter d’être jugés demain par le tribunal de l’histoire ? Le silence du peuple est synonyme de forfaiture. Pourquoi capitule-t-il face au gouvernement ? Alors même qu’il a le devoir d’exiger des gouvernants une bonne conduite et surtout la satisfaction des besoins cruciaux. Le pouvoir est au peuple et c’est lui seul qui détient tous les pouvoirs en démocratie. La crise de l’école devrait être la deuxième priorité, après celle liée à la sécurité. En reléguant celle-ci au second plan, c’est comme si le Mali a renoncé à être une nation prospère et d’avoir un avenir radieux, car l’école est pour une nation ce que la fondation pour un bâtiment.
S’il est un devoir pour chaque génération d’accomplir sa part de mission, celle qui nous gouverne aujourd’hui, semble trahir la sienne, car depuis 1991, l’école malienne a été la cadette des priorités de ceux qui nous ont gouvernés jusque-là. En trente ans de gouvernance démocratique, les années scolaires se sont succédé et se ressemblent toutes. Des années blanches et des années tronquées se sont alternées à un rythme ininterrompu.
Pour rappel, ce qui oppose les enseignants au gouvernement est tellement banal qu’il est impensable qu’il soit la cause du blocage des négociations. Les enseignants ont juste rappelé au Premier ministre et ministre de l’Economie et des Finances, Boubou Cissé de respecter l’engagement qu’il a pris concernant la mise en application de l’article 39 de leurs textes. Un pays qui voudra être présent au concert des Nations prospères doit-il reléguer la formation de ses ressources humaines au second plan ? L’école est le seul lieu où on forme des bons citoyens et les élites de demain.
Aujourd’hui, la question qui taraude tous les esprits est celle de savoir comment en est-on arrivé à cette crispation alors même que le Premier ministre actuel est celui-là même qui a négocié et obtenu la levée du mot d’ordre de grève contre promesse de satisfaction de toutes les revendications ? Que vaut alors la parole d’un dirigent malien fut-il un Président de la République ou un Premier ministre ? Quel serait le nom de cette République où des hautes autorités ne respectent jamais leurs engagements ? Ce ne serait pas la République très- très démocratique du « Gondwana », car même au Gondwana, le Président fondateur respecte ses engagements, alors le nom le plus approprié à notre République est la République bananière.
En somme, le Président de la République est désormais interpellé, lui qui jouit de la légitimité du peuple et qui n’a transféré qu’une petite portion de cette légitimité au premier ministre et aux autres ministres. Son silence ne s’explique pas face au danger qui guette la Nation malienne.
Youssouf Sissoko