vendredi 19 avril 2024
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La presse au Mali : L’état des lieux

C’est aujourd’hui, 3 mai, que le monde entier célèbre la journée internationale de la liberté de la presse. Un moment opportun pour jeter un regard rétrospectif sur la presse malienne et son fonctionnement.  Nous reconduisons cet article publié il y a un an, jour pour jour, comme pour dire que la situation d’hier est celle d’aujourd’hui. Les interlocuteurs demeurent dans la même situation.

 

Classé 122e sur 180 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse de 2016, le Mali avait  perdu 4 place par rapport à 2015.  Cette année elle a gagné 7 places en se classant 116e.  Malgré la disparition de notre confrère, Birama Touré du journal  «LE SPHINX », au constat de ce qui se passe sur le terrain, on peut dire que la liberté d’expression est une réalité au Mali. Une liberté qui donne souvent lieu à des dérives sans que personne ne bronche. Des dérives qui naissent le plus souvent de l’organisation même de ces entreprises de presse.

Perçues comme des entreprises, nombreux sont des organes qui sont des propriétés privées et publient, selon l’intérêt du « Boss », au mépris souvent de la sacrosainte mission d’informer sans partialité les populations qui, n’étant pas dupes,  accordent très peu de crédit à l’écrit journalistique de nos jours, ce qui n’était pas le cas avant. Outre l’humeur du Directeur qui constitue  la ligne éditoriale de nombreux journaux, il s’y ajoute la qualité  des journalistes qui l’animent. Comment pourrait-on accorder du crédit à un article de presse mal écrit ; donc, incompréhensible? Impossible. La précarité dans laquelle baignent ces journalistes reporters leur laisse malheureusement peu de temps pour se former.  «Je ne suis pas payé par ma Rédaction. J’ai une femme et des enfants. Le seul moyen de subvenir à mes besoins et à ceux de ma famille, c’est l’argent que je gagne lors de mes reportages», ce témoignage d’un reporter d’un journal très connu de la place est, malheureusement, celui de nombreux autres. Ce reporter vit dans cette condition, au moment où son Directeur semble le narguer en vivant une vie de luxe et en envoyant ses rejetons dans les plus grandes écoles de la capitale.  «Si un journaliste n’est pas payé par sa Rédaction, il n’a qu’à laisser le travail. S’il reste c’est qu’il gagne ailleurs», cette réponse de Chahana Takiou, Directeur de publication du 22 Septembre, lors du 3 mai 2015,  à la maison de la presse sur  la situation des reporters en dit long sur le regard que certains Directeurs de publication posent sur les conditions de vie de leurs journalistes. Las d’attendre une situation meilleure, beaucoup de Reporters  lancent leurs propres organes.

Les nouveaux journaux

Ces nouveaux journaux créés pour la plus part du temps suite à des altercations ou des coups de sang résistent  difficilement à la concurrence. Ces projets très peu mûris ou pas du tout  ne disposent pas de moyens financiers, de politiques réelles et de personnel  qualifié pour faire fonctionner la boîte. Ce qui a donné lieu depuis  à ces journaux qui paraissent à l’« improviste ».  Cette précarité des Reporters et la disparition de nombreux titres à peine créés sont aussi dues aux difficultés financières du moment. Les annonceurs ne se bousculent plus aux portes des journaux c’est plutôt l’inverse. Et, comme qui demande subit, pour des pages entières de publicité en couleur estimées à 300.000 francs CFA, des sommes dérisoires sont acceptées.

Les abonnements se font plus par affinités que par le crédit que l’on accorde aux journaux. Il n’est, donc, pas rare de voir un journal perdre son abonnement dans un département suite à un remaniement. Et, pourtant, il y a des journaux comme l’Essor, auxquels toute l’administration est abonnée. «Ça s’appelle une subvention déguisée», observe un Directeur de publication.

La mévente est un autre facteur qui plombe le secteur de la presse.  Le Malien ne lisant pas, cela se répercute forcement sur ceux qui produisent les journaux. Cette mévente est exacerbée par l’utilisation gratuite des articles de presse par les portails en ligne « Maliweb, Malijet, etc.».  Si des organes ont compris l’enjeu et leur ont interdit la reprise de leurs articles, ce n’est pas le cas pour beaucoup en quête de visibilité qui mendient la publication « gratuite » de leurs articles phares. Le hic, c’est le portail qui publie souvent l’article avant même la parution du journal papier. A quoi peut s’attendre la comptabilité de ce journal ? Rien. A travers l’aide à la presse, l’Etat doit soutenir la presse, mais il ne fait pas assez.  Au moment où le nombre de titres dépasse la centaine, l’Etat continue de n’allouer que 200 millions de francs CFA à toute la presse malienne et, ce, depuis 20 ans. Cette somme est l’une des plus basses de la Sous-région. La lutte des organisations de presse pour son indexation au Budget de l’Etat afin de la porter à 1 milliard, reste sans suite. L’utilisation faite de ces sous par les Responsables de presse est une autre paire de manches, qui ne contribue en rien à rendre notre presse viable et fiable.

Télémania ?

Comme les radios et la presse écrite, on assiste depuis peu à une floraison de télévisions qui ne dit pas son nom. Avec la libéralisation du domaine, Il se passe difficilement deux semaines sans que l’on apprenne la création d’une chaîne de télévision. Des images pas nettes aux programmes vident, ces chaînes n’ont rien pour enrichir le paysage audiovisuel malien.  Les Reporters de la presse écrite n’ont rien à envier à leurs confrères de ces chaînes qui, eux aussi, tirent le diable par la queue.  Créées sans aucun critère,  nombre d’entre elles fermeront certainement si la Haute Autorité de la Communication (HAC) décidait de  faire son travail correctement. La sensibilité de la télévision recommande à la HAC  de ne laisser aucune chaîne sans orientation claire et sans utilité publique émettre au Mali.

Mohamed DAGNOKO : LE COMBAT

Rédaction

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