vendredi 19 avril 2024
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JOURNÉE MONDIALE DE LA LIBERTÉ DE LA PRESSE : Comment une liberté servile a fabriqué des intouchables dans la République

La Journée de la liberté de la presse a été célébrée le 03 mai 2020 comme d’habitude. Cette année, elle a eu lieu dans un contexte de crise sanitaire mondiale avec le nouveau coronavirus (COVID-19) qui semble donner plus de raisons aux régimes politiques de restreindre la liberté de la presse dans le monde.  Elle a aussi lieu quelques jours après la publication (mardi 21 avril 2020) du classement annuel de la liberté de la presse de Reporters sans frontières (RSF). Dans ce nouveau classement 2020, le Mali occupe le 108e  rang sur 180 pays (24e sur le continent africain où le classement est dominé par la Namibie), devant le Koweït et la Guinée et juste après le Brésil. Si notre pays gagne quatre places par rapport au précèdent classement (102e), dans la pratique cette liberté chèrement acquise est beaucoup plus utilisée aujourd’hui pour desservir le pays qu’à l’aider à se relever !

 

La presse du pays est à l’image de la société malienne ! C’est la conviction que je défends toujours dans les débats. Elle est médiocre parce qu’évoluant dans un environnement politico-social où le mérite est rarement reconnu, où l’excellence est piétinée par l’incompétence et la médiocrité ; où critiquer même objectivement est une offense ; où la haine a trouvé comme terreau fertile l’hypocrisie l’égoïsme et la méchanceté gratuite. Loin d’être ce 4e pouvoir dont a besoin toute démocratie pour son ancrage et sa consolidation, la presse malienne est aussi inutile à la nation que la classe politique parce que aussi servile que la société civile du pays.

Notre liberté, nous l’utilisons comme bouclier au service des fossoyeurs de la République, de ceux qui détruisent et pervertissent notre société. Aujourd’hui, tu ne peux dénoncer un responsable public, une mauvaise pratique… sans  coup férir… Si dans le temps, ce sont des titres bidons qui étaient créées par des politiciens et financés par leurs amis de la pègre nationale. De nos jours ce sont des pseudos activistes se prenant pour des journalistes qui sont gracieusement entretenus comme des princes pour tirer à boulets rouges sur ceux qui osent s’attaquer à leurs parrains. Ceux-ci sont devenus des «intouchables» de la République parce qu’ils sont généreux sur une fortune acquise sur le dos du contribuable malien.

Ce sont ses escrocs spécialisés dans le chantage et les injures, ces vautours, ces mercenaires de la plume et du micro qui sont craints, respectés et influents car considérés dans notre pays comme les «vrais journalistes». Et ce sont ces mauvaises graines (hélas plus nombreuses aujourd’hui que les bonnes) qui se promènent de direction en direction, d’un cabinet ministériel à un autre pour salir et dénigrer leurs confrères dont le seul tort est d’être à cheval sur l’éthique et la déontologie, qui cherchent donc à exercer ce noble métier avec plus d’intégrité, d’honnêteté et d’humanisme.

Des antivaleurs érigées en valeurs absolues

Les ministères et les directions sont devenus leur chasse-gardée avec la complicité de certains chargés de communication qui, craignant pour leurs postes, jouent le jeu. Pour y avoir même un contrat d’abonnement, il faut être dans leur réseau mafieux ou leur céder des commissions.

C’est pourquoi ces pseudos journalistes font la pluie et le beau temps du métier ; continuent de s’enrichir alors que les vrais professionnels ne cessent de croupir dans la misère parce qu’ils sont attachés à des valeurs, parce qu’ils ont des convictions à défendre.

Et curieusement, figurent dans le lot de mercenaires-snipers des doyens qui sont apparemment au-dessus de tout soupçon et qui auraient dû être des modèles pour rappeler les jeunes à l’ordre. Ils se cachent derrière des novices pour accomplir cette mission abjecte de démonter leurs confrères, de les salir juste parce qu’ils émargent dans nos institutions ou dans les états-majors de partis voire dans des entreprises pour arrondir leur fin du mois.

Comment voulons-nous que ceux qui ont la responsabilité de sortir ce pays du marasme socio-économique se remettent en question en craignant la réaction de la population alors que nous les soutenons sur le mensonge et l’incompétence ? Comment l’opinion peut-elle nous suivre quand elle sait que quand tu vois un journaliste tirer à boulets rouges sur un responsable ou un opérateur économique voire un citoyen lambda, c’est que ce dernier lui a refusé un service ou cherche à entrer dans ses grâces. Ni ma adi, anw bi soussou ! Littéralement, si tu ne donnes pas ou ne fait pas ce que nous demandons, nous allons te traîner dans la boue !

Aujourd’hui, pour paraphraser mon camarade de promotion au CESTI (Habib Demba Fall), nous assistons presqu’impuissants à «l’émergence de contre-modèles et l’érection des antivaleurs en valeurs absolues».

A qui la faute ? Sans doute que les professionnels du secteur ont une grande part de responsabilité dans ce drame. Et comme le disait toujours le même Habib Demba Fall, «quand les idoles désertent les sentiers de la vertu, souffrons que les malfrats dirigent la procession des imposteurs et peuplent les routes des gloires faciles. Quand les diseurs de bonne parole sont envahis par les menteurs et médisants, acceptons que la parole droite prenne les voies détournées. Quand la force triomphe à l’arène des très lourdes illusions, le destin des peuples perd des plumes à l’heure de la victoire de la raison».

Il est temps de faire taire ces charlatans pour laisser ceux qui ont la vraie science du métier aider les vrais patriotes à exorciser le mal qui ronge ce pays depuis le 19 novembre 1968. Il est temps que les professionnels s’assument, descendre dans l’arène sans avoir peur des coups (car ils en prendront de toutes les manières) pour défier et mettre en touche ces imposteurs qui ont réussi à prendre en otage le métier de journalistes, à travers notamment des organisations faîtières. Et il ne faut surtout compter sur l’Etat parce que les autorités maliennes trouvent leur compte dans cette situation. Et cela d’autant plus qu’elle permette de tenir en laisse des parvenus et isoler les dérangeurs publics préoccupés par la quête du pain quotidien.

Nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes pour assainir la profession. La rédemption, pour redorer l’image de la presse et lui redonner sa crédibilité perdue, est au prix du courage et de la volonté que nous allons mettre dans cette entreprise salvatrice !

Moussa Bolly

Djibril Coulibaly

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