vendredi 29 mars 2024
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Encadré : Les djihadistes et la « cocaïne connection »

C’est une image qui a frappé tous les esprits. Celle d’un Boeing 727, calciné retrouvé au nord de Gao en novembre 2009. L’avion, qui venait vraisemblablement du Venezuela, près de la Colombie, était chargé de plusieurs tonnes de cocaïne. Les médias découvraient ce qu’ils ont surnommé le « Air cocaïne » et avec, l’ampleur du trafic de drogue dans la région. L’Afrique de l’Ouest est devenue depuis de nombreuses années une plaque tournante du trafic de drogue, les cartels d’Amérique du Sud délaissant la route nord qui passait directement par l’Europe pour des chemins beaucoup plus sûrs. En 2010, 18 tonnes de cocaïne ont transité via la région (le pic ayant été atteint en 2007 avec 47 tonnes). La crise malienne a, ces derniers mois, attiré l’attention sur les liens qui pouvaient exister entre les trafiquants et les mouvements extrémistes du Sahel. Appâtées par le gain, les mouvances telles qu’Aqmi, Ansar Dine ou le Mujao ont vite compris l’intérêt financier d’une telle collaboration.
Mais l’intervention française au Mali est venue compromettre tout le circuit. L’usage du mot « narcoterroriste » a remplacé « les djihadistes ». Dernièrement, Laurent Fabius avait ainsi évoqué le risque, enrayé par l’intervention française, de voir la naissance d’un « Etat narcoterroriste » au Mali. Avant lui, François Hollande soulignait devant le Parlement européen que le terrorisme se nourrissait « du trafic narcotique partout dans le monde et notamment en Afrique de l’Ouest », dans une allusion sans ambiguïté aux adversaires militaires qui se sont réfugiés pour la plupart dans la région du massif des Ifoghas après la libération des villes dans le nord du Mali.
Après le rapport des députés François Loncle et Henri Plagnol sur la situation sécuritaire dans la zone sahélienne présenté en mars 2012, huit députés de la Commission des Affaires étrangères présidée par Pierre Lellouche, planchent sur la sécurité au Sahel. La manne financière générée par ce rapprochement est considérable, bien qu’impossible à chiffrer. Elle s’ajoute à d’autres trafics rentables : prise d’otages, trafic de cigarettes, de migrants, d’armes, de voitures volées, de l’essence, de bétail…
Du Air cocaïne aux djihadistes
« La fin des années 90 et le début des années 2000 vont consacrer le Sahel comme la nouvelle plaque du trafic international, du fait d’une reconfiguration des routes de la drogue qui a fait que la « Highway 10″ (la route passant par l’Afrique et le 10ème parallèle) est beaucoup plus sûre que les liens maritimes liant l’Amérique du Sud à l’Europe », explique Samuel Benshimon, rédacteur en chef du site « Sahel Intelligence ». « Cette route a élargi le marché, faisant que des populations africaines, notamment dans les grands centres urbains, sont également devenues consommatrices de cocaïne ».
Les bateaux arrivent d’Amérique latine accostent tout le long du golfe de Guinée en particulier en Guinée Bissau, au Cap Vert et au Sénégal. Les marchandises « sont ensuite acheminées par voie terrestre vers le Togo à travers deux itinéraires le premier passant par le Mali, le Burkina Faso et le Bénin, tandis que le deuxième transite par le Mali, le Burkina Faso et le Ghana », explique Samuel Benshimon. C’est généralement du Togo, que partent ensuite des avions qui inondent l’Europe en drogue.
La plus-value de cette marchandise suscite l’attention de tous les acteurs. « En Colombie, la cocaïne vaut entre 2.000 et 3.000 dollars le kilo, sur les côtes africaines elle atteint 10.000 dollars; à la frontière sud du Sahel, au Maroc ou en Algérie, c’est 20.000 dollars. Quand elle arrive en Europe, avant d’être coupée elle vaut 45.000 dollars le kilo », précise Jean-Bernard Véron, responsable de la cellule prévention des crises et de sortie de conflit à l’AFD, avant d’ajouter : « Ce sont des produits à grosse valeur ajoutée, qui ne pèsent pas bien lourd, qui ne nécessitent pas d’énormes convois de camions. On trouve facilement des gens qu’on peut corrompre pour transporter ces produits ». Parmi eux, les « djihadistes », derniers venus d’un circuit bien rôdé.
Sarah Diffalah| lecombat.fr

Djibril Coulibaly

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