jeudi 28 mars 2024
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BOULAMA EL HADJI GORI, CHEF DE MISSION MSF-MALI : «II est important d’adopter des gestes barrière et continuer à consulter pour les autres pathologies»

L’épidémie de la Covid-19 au Mali, dont l’épicentre se situe à Bamako, a atteint le reste du pays et notamment les régions frappées par l’insécurité et les violences. Bien que le nombre de cas soit encore peu élevé, la situation est préoccupante dans ces zones où les systèmes de santé sont fragiles et la population particulièrement vulnérable. Chef de mission de Médecins Sans Frontières (MSF) pour les projets d’Ansongo, Douentza, Koro et Kidal, Boulama El hadji Gori nous explique la situation sur le terrain et les mesures prise par l’ONG pour protéger patients et personnel médical face à la pandémie.

Que fait MSF aujourd’hui au Mali et notamment en dehors de Bamako en matière de réponse au Covid-19 ?
Boulama El hadji Gori : L’une des priorités de MSF est d’assurer la continuité des soins aux patients qui ne sont pas atteints de la Covid-19 tout en se préparant à la gestion d’une potentielle flambée de nombre des cas. Et cela passe par la protection du staff médical grâce aux mesures de prévention et du matériel de protection nécessaires.
Nous avons par exemple dispensé une série de formations anti-Covid-19 à l’intention du personnel médical et paramédical principalement à Bamako dans des hôpitaux et centres de santé, mais aussi dans les régions de Gao et Mopti et les districts sanitaires de Kidal, Ansongo, Douentza et Koro où nous avons mis en place sept structures de prise en charge des cas confirmés de Covid-19.
Dans le cadre de ses projets dans le Centre et le Nord, MSF a intégré la réponse Covid-19 dans toutes les structures de santé qu’elle appuie, ceci tant au niveau des hôpitaux et des centres de santé qu’au niveau communautaire, au travers d’un certain nombre d’actions. Par exemple dans les hôpitaux de Bamako, Mopti, Gao, Douentza, d’Ansongo, de Koro et à Kidal en collaboration avec les autorités sanitaires, nous avons mis en place un circuit composé de salles de triage, salles d’isolément et d’unités de prise en charge médicale pour les patients atteints du COVID-19 pour une meilleure gestion des cas et afin d’éviter d’exposer le personnel médical.
Ensuite avec une pandémie d’une telle ampleur, les risques auxquels le personnel médical s’expose sont évidents et donc, dans le but de protéger ce-dernier, MSF a déployé l’ensemble des mesures recommandées pour limiter la contamination et contenir toute propagation du virus parmi les agents de santé, mais aussi au sein des populations vulnérables comme les déplacés ou les personnes vivant dans des conditions précaires. Un important travail de sensibilisation dans les centres de santé que nous appuyons et au niveau communautaire a été fourni afin d’informer les populations sur la maladie et toutes les précautions recommandées à adopter permettant d’éviter la propagation du virus.

On imagine qu’il est plus difficile de mettre en place une réponse dans ces zones reculées loin de la capitale. Quelles sont les difficultés rencontrées ?
Boulama El hadji Gori : Les difficultés sont multiples. D’un point de vue logistique, la mobilisation des ressources (matériels de protections, matériaux des constructions, mains d’œuvre…) et l’approvisionnement dans les zones éloignées et difficiles d’accès a été l’un des défis auxquels nos équipes ont dû faire face. Aussi le respect de certaines mesures telle que la distanciation physique est particulièrement difficile à appliquer dans les sites des déplacés, dans les marchés et autres aires a fort densité.
Les rumeurs en périphérie sont de même nature qu’à Bamako, voire plus sévères, sont souvent un frein pour une implication des communautés. La désinformation et la stigmatisation sont d’ailleurs une autre grande difficulté contre laquelle nous nous battons quotidiennement. Un grand nombre de personnes ne croient pas en la maladie et pensent même qu’il s’agit d’une mascarade ou d’un business. Le plus inquiétant est que nous avons constaté une baisse de fréquentation dans les structures de santé. Le taux de vaccination dans le cadre du programme élargi de vaccination a parfois diminué car les mamans par crainte ne viennent plus dans les centres. Nos équipes sont mobilisées sur tous les fronts pour mener des séances de sensibilisation auprès des communautés, car il est important d’adopter des gestes barrière et continuer à consulter un médecin pour les autres pathologies.
Autre difficulté, le manque de capacité au niveau local pour réaliser des prélèvements et les tests, car ces compétences sont aujourd’hui disponibles uniquement à Bamako même si les autorités sanitaires prévoient une décentralisation au niveau local. Pour l’instant les échantillons nécessitant une confirmation doivent parcourir de longues distances pour être acheminés dans des laboratoires situés en capitale, ce qui complique fortement le volet dépistage qui est une composante importante dans la lutte contre le Covid-19.

Selon vous, quelles sont les mesures à adopter pour contrer ces nombreuses difficultés ?
Boulama El hadji Gori : Pour remédier aux problèmes constatés, il est important que le Ministère de la santé et des Affaires sociales ainsi que ses partenaires renforcent les capacités locales en matière de prélèvement et de dépistages, et décentraliser par exemple les tests dans les hôpitaux afin d’améliorer la coordination et la gestion de l’urgence sanitaire. Il est également crucial d’assurer une protection du personnel médical en mettant à disposition les ressources et tout le matériel nécessaire permettant d’assurer une protection adéquate du personnel de santé. Quant à la connaissance de la maladie et son acceptation, il est indispensable d’avoir plus d’implication des leaders communautaires, des leaders d’opinion ou encore des associations et de la société civiles au travers d’une approche participative dans les activités d’information des populations.

Etes-vous inquiets par une propagation rapide du COVID-19 dans ces régions?
Boulama El hadji Gori : Nous savons qu’aujourd’hui des cas ont été confirmés dans les villes de Mopti et de Gao, ainsi qu’à Tombouctou Kidal, à Douentza, à Koro et à Ansongo. Bien qu’il n’y ait pas encore eu beaucoup de patients avec complications et que la propagation n’est pas aussi rapide qu’en capitale, la maladie a déjà fait 15 morts dans ces régions, et la capacité technique du système de santé pour faire face à des cas Covid-19 compliqués est très limité
De plus, dans ces zones frappées par l’insécurité et les violences, les populations forcées de se déplacer sont plus fortement exposées à la Covid-19 du fait qu’elles n’ont souvent plus de maisons ni de moyens permettant l’adoption des mesures de protection. Sans oublier tous les autres patients ayant développé d’autres maladies chroniques telles que le diabète ou l’hypertension artérielle et devenant des personnes à risques en cas de contamination à la Covid-19.
De manière globale, la vulnérabilité des populations vivant dans des conditions précaires avec un réel manque d’accès au soin de santé, dans un contexte volatil où le système de santé est fragile est une réalité préoccupante en cas de grande propagation du COVID-19. Et cela dit de tout autre maladie avec une incidence à caractéristique épidémique.

Dans ces zones au contexte très volatil, est-ce que l’arrivée de Covid-19 a engendré une diminution des violences ?
Boulama El hadji Gori : Je pense qu’il est difficile d’établir un lien direct entre une potentielle diminution des violences et l’apparition de Covid-19, bien au contraire. La situation sécuritaire ne s’est de loin pas améliorée et les hostilités continuent faisant encore et toujours de nouvelles victimes.
Dans le Centre et le Nord du pays, nos équipes sont confrontées quasi quotidiennement à des déplacements de personnes traumatisées ayant fui des violences. MSF d’ailleurs continue d’assister les victimes des violences au travers de ses réponses aux urgences, et ce malgré la pandémie de Covid-19.
Source : MSF/Mali

Djibril Coulibaly

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