jeudi 21 novembre 2024
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Aliou Coulibaly alias Faladiè Papus, grand Féticheur au Mali: « Le coronavirus existe… et nous, en tant que féticheurs, nous devons donner de bons conseils »

Face à la montée en puissance de la propagation de la pandémie de coronavirus au Mali, l’opinion nationale est partagée sur l’existence de COVID-19. Si certaines personnes sont conscientes du danger qui envahit nos pays, dont le Mali, d’autres compatriotes par contre, au non d’une certaine croyance rejettent catégoriquement la présence du mal. Ce qui vaut cette interview du grand maitre de la connaissance ancestrale africaine, Aliou Coulibaly connu sous le nom de Faladiè Papus. Il retrace dans cette interview, son parcours, ses ambitions, mais surtout prodigue d’utiles conseils et appel au respect scrupuleux des mesures de prévention telles  recommandées par le gouvernement. Lisez…

Le Combat : Qui êtes-vous ?

Faladiè Papus : Je m’appelle Aliou Coulibaly, communément, les gens aiment m’appeler Faladiè Papus. Je suis un “Soma“ en langue Bambara, qui signifie féticheur en français. Fils d’Ousmane Coulibaly et Fatoumata Fall, tous enseignants. Je suis encré dans la connaissance ancestrale en tant que féticheur.

Pouvez-vous nous retracer votre parcours depuis la scolarité à nos jours, et comment êtes-vous devenu guérisseur et pas des moindres ?

J’ai fait mon primaire à Sogoniko et sanctionné par un DEF à l’école fondamentale de la même école. Inscrit au lycée Badala, l’année 1993-1994 sera une année blanche qui m’obligera de faire une orientation pour aller au centre Mabilé où j’ai obtenu mon baccalauréat, série langue littérature terminale (LLT). Ce qui m’a permis de m’inscrire à l’École normale d’Administration (ENA) où j’ai étudié les sciences juridiques pendant deux (2) ans. Malheureusement, la troisième année où je devrais m’inscrire en criminologie n’a jamais été faite jusqu’à ce jour. En réalité, le destin de l’homme est 100 fois plus vieux que celui qui le voit. Étant le deuxième fils de l’unique fils de mon grand-père, qui est mon homonyme, au moment où le grand-père mourait, il a dit à mon père que je serai le seul héritier de toutes ses connaissances ancestrales. C’est ainsi que jusqu’alors je suis consacré en cet héritage. Bien avant cette décision, en 1987 déjà, j’étais initié à la géomancie. Et mon premier maître de la géomancie s’appelle Bah Tiébilé Traoré. Et j’ai rencontré beaucoup de gens qui m’ont aidé à comprendre cette connaissance. Même si tu as tout, tu auras toujours besoin d’apprendre encore et comprendre, car la connaissance est vaste. Il faut faire un mélange pot pour pouvoir comprendre certaine situation de la vie. En matière de la vie, il faut toujours chercher et rechercher  pour venir à bout de certains fléaux. Il faut toujours éviter d’avoir la fierté ou être dans la suffisance pensant que tu connais tous alors qu’en réalité tu ne connais rien.

Que pensez-vous de cette pandémie de coronavirus qui fait ravage dans le monde entier ?

Pour parler de la pandémie de coronavirus, je dois éclaircir certains points. Dans la vie il y a deux sortes de faits. Il y a des faits naturels et des faits osés. Pour chercher la solution à un problème, il faut d’abord situer ce problème, connaitre son origine. Sinon je peux vous garantir qu’avant coronavirus, il y avait en Afrique ; coronadjihadisme coronaSIDA, Coronaébola… et bien d’autres. Mais on n’a pas eu ces tapages médiatiques.  Coronavirus a eu la malchance de commencer en Europe, alors qu’ils sont forts en médiatisation et surtout il respecte la personne humaine. Coronavirus est plus fort et est au-delà d’une simple maladie. C’est pourquoi moi je dis qu’on ne peut connaitre que ce dont on a l’expérience. Étant donné que la maladie vient de l’Europe, alors la population doit adopter les mesures recommandées par les Européens qui maitrisent mieux cette maladie que nous. J’encourage tous à respecter les mesures barrières, tels que se laver les mains, utiliser le gel hydro alcoolique et porter le cache-nez. Nous ne pouvons en aucune manière négliger ce que conseillent les Européens. Par conséquent, nous, en tant qu’Africains, on peut en rajouter d’autres choses qu’on maitrise chez nous. Il faut dire que c’est la première fois de toute ma vie de voir une maladie obligeant la fermeture des frontières. Les blancs savent de quoi il s’agit, c’est pourquoi ils ont peur.

Si cette maladie émanait de Dieu, tout ce que Dieu a créé, il a mis une solution en place. Bien que je ne confirme pas que cette pandémie a été créée, je pense que cette maladie est l’œuvre de Satan. Quand on prend le nom de cette maladie, Corona peut signifier couronne. C’est en quelque sorte la reine de toutes les maladies. C’est pourquoi je dis que c’est plus fort qu’une maladie, c’est au-delà d’une simple maladie.

Parlez-nous de votre fondation qui est en création 

Je suis un fils de pauvre et j’ai souffert dans la pauvreté et cela m’a forgé des idées de ce qu’est la souffrance. Bien que je sois fils de deux enseignants, il arrivait qu’ils puissent passer à l’époque 3 à 6 mois sans salaires. J’ai fait un constat. En Afrique quand quelqu’un a subi la souffrance et qu’il sort de cette situation, au lieu de prendre des mesures pour aider les autres à ne pas vivre la même situation, ce dernier fait le contraire en menant une vie sans soucis pour montrer au monde qu’il est riche. Je ne voudrais pas de cela, c’est pourquoi quand j’ai eu la chance d’avoir un peu, j’ai eu l’idée de créer une association pour venir en aide aux personnes vulnérables et aux mendiants. Mon association est Ajidi Fonjidi (Association jikinè Dindi, Fondation Jikinè Dindi). Si vous regardez la souffrance des mendiants et leur patron Karamoko, la souffrance des filles domestiques qui parfois sont victimes de grossesses non désirées et parfois jette les enfants vous aurez un pincement au coeur. Beaucoup de personnes trouvent ces filles sanguinaires, mais ce sont les problèmes qui leur poussent à poser de tels actes. Si certaines personnes vont au boulot, c’est parce qu’il y a une domestique qui travaille à la maison pour lui. Elles se lèvent tôt et se couchent tard, mais sont mal payées.

Lors d’une de vos interventions, vous avez dit : « L’eau n’est pas source de vie, mais c’est l’air qui est source de vie ». Que voulez-vous dire par là ?

 Dieu nous a donné l’air pour respirer, c’est un tableau de donner et de recevoir, on ne peut même pas bloquer sa respiration pendant 5 minutes alors que nous pouvons rester 48 heures sans boire de l’eau.

Si notre air est pollué, c’est la vie qui devient contaminer alors que la maladie de coronavirus reste dans l’air. Que cela soit une maladie provoquée ou une émanation de Dieu,  nous devons tout faire pour que l’air ne soit pas pollué. Il faut aussi dépolluer l’air pour rendre pur l’environnement de manière traditionnel à travers certaines potions. On peut ajouter au lavage de main; la purification de l’environnement tel que les encens pour détruire le virus dans l’air.

Un autre précepte venant de vous ; « la connaissance africaine travaille avec l’obscurité ». Pouvez-vous nous en parler un peu plus ?

Moi je dis que Dieu a créé la lumière et l’obscurité. Il y a l’intermédiaire où les frontières entre la lumière et l’obscurité. Et l’homme doit rester dans ces deux frontières. La connaissance de la lumière c’est ce que nous avons appris à l’école et dans la société à travers les recherches dans les livres. Mais il faut aussi savoir que dans le passé, l’Afrique n’était qu’une brousse où l’homme avait comme ami le diable. Maintenant avec le développement l’on a les villes, les diables ont quitté, mais ils ont donné un pouvoir à l’homme de pouvoir rester en contact avec le diable à travers certaines formules ou des incantations magiques. Lorsque tu as un problème, tu peux à l’aide de cette formule faire appel aux diables pour son aide. C’est ainsi que l’obscurité et la lumière se sont mariées. Cette union permet à l’Africain de franchir certains obstacles. Quand tu es maître de l’obscurité, il y a beaucoup de choses que tu ne parviendras pas à expliquer comme tu le souhaites, car il y a des barrières que tu ne peux pas sauter. C’est en ce sens que je dirai que la pauvreté n’a pas trop dérangé l’Afrique. En Afrique on est sociale et c’est la pauvreté qui  nous oblige à être sociales. On prie beaucoup, pas parce qu’on aime Dieu, mais c’est parce qu’on est pauvre et qu’on craint Dieu. On prie parce qu’on a peur de deux choses. On a peur d’affronter la colère de Dieu et parce qu’on est pauvre. On ne nous apprend pas à aimer Dieu, mais à le craindre. Quand tu crains quelqu’un, sa présence te fait rester calme. Par contre si tu l’aimes, qu’il soit présent ou pas tu vas respecter ses consignes. C’est pourquoi je dis que les hommes n’aiment pas Dieu, mais le craignent.

 Depuis le début de cette pandémie, les Maliens rejettent leurs frères et sœurs qui vivent dans les pays touchés par la pandémie. Est-ce de la méchanceté ou tout simplement de la crainte ?

 Selon moi il y a les deux. Celui qui dit qu’il ne mange pas le chien, mais le vend pour utiliser l’argent a menti, c’est la même chose. Moi j’ai peur des conséquences de cette maladie plus que la maladie elle-même. Comment peut-on dire à quelqu’un qui vit au jour le jour de se confiner? Il y a “coronapauvreté“ dans la chambre, il y a Coronavirus dehors, tu vas choisir. Tu seras obligé d’aller affronter la maladie.

Enfin, quel conseil prodiguez-vous à la population pour contrer cette maladie ?

Mon conseil, c’est de demander à la population de faire très attention. C’est une maladie qui existe et qui est plus forte que la maladie elle-même. Nous, en tant que féticheurs, nous devons donner de bons conseils. Je vous dis que c’est très bien souvent d’aller à l’école. La connaissance est trop vaste. Tu ne verras jamais un blanc de toute ta vie te dire qu’il a rêvé une termitière. Tout juste, cela ne fait pas partie de son expérience. Juste pour dire que ceux qui disent que cette maladie n’existe pas, c’est parce qu’ils ne connaissent pas grand-chose et ne cherchent pas non plus à connaître. C’est le problème de l’Africain, il se contente trop du peu. Cette maladie vient de l’Europe. Alors, appliquons les mesures recommandées par les Européens d’abord et ensuite ajoutons ce qu’on a si possible. Si tu vois quelqu’un dire que ça n’existe pas, ce qu’il ne connait absolument rien ! À titre de témoignage, j’ai un ami qui vit à Paris,  et qui a tous les symptômes du coronavirus, mais il a peur d’aller à l’hôpital. Il m’appelle pour demander de l’aide. Je lui ai conseillé d’aller faire d’abord le test.

 Propos recueillis par K. Komi

 

COULIBALY

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