« La paix est à Gao, mais il y a aussi l’insécurité. Donc, il faut que les gens comprennent que l’insécurité ne doit pas être confondue avec la paix ». Seydou Traoré, Gouverneur de la Région de Gao, s’est confié au COMBAT !
Monsieur le Gouverneur, depuis quand vous êtes à la tête de cette Région de Gao ?
Gouverneur de la Région de Gao : Je suis nommé Gouverneur de Gao en novembre 2015 mais j’ai pris fonction en janvier 2016.
Que pourriez-vous nous dire sur la recrudescence des attaques contre les civils et les soldats ?
Malheureusement, en dépit de tous les efforts et malgré la signature de l’accord, nous enregistrons toujours quelques cas malheureux de braquages. Il s’agit des personnes, le long des accès routiers et souvent dans les agglomérations. Ce sont les cas contre lesquels nous n’avons pas pu garder une position statique. C’est par rapport à ce phénomène que l’ensemble de nos forces de sécurité et de défense sont mobilisées ; à savoir FAMA, a police, les forces partenaires, … Toutefois, nous avons entrepris beaucoup d’opérations, et la plus récente est celle de Fulvio qui est consécutive à l’attentat du 18 janvier. Juste, avant de vous rencontrer pour cette interview, je viens de boucler une réunion d’échanges avec l’ensemble des acteurs sociaux par rapport à l’adoption d’un certain nombre de mesures sur la régulation de la circulation. Notamment, circuler sans autorisation avec des armes dans la ville de Gao, n’étant pas des forces de sécurité, ni des forces partenaire.
Ensuite, au regard du fait que tous les attentats perpétués et actes de braquages et de vols enregistrés démontrent qu’à 70% les auteurs circulent avec des engins à deux roues. Donc, nous avons échangé avec les populations et, dans les jours qui suivent, nous allons mettre fin à la circulation de ces engins ou, en tout cas, les réduire, les règlementer entre les agglomérations. L’objectif est de sécuriser les populations, mais pas d’empêcher les gens de circuler.
Le désarmement, la démobilisation et la réinsertion (DDR) est à quel niveau dans votre Région?
C’est en très bonne voie. Il y avait des préalables qui ont été déjà réglés et pour la réussite le processus de DDR, il fallait que le MOC et les autorités intérimaires soient en place et cela c’est fait. Maintenant, les acteurs sont identifiables et il reste aux groupes armés et aux différents mouvements d’inviter leurs partenaires, leurs combattants respectifs à se diriger sur les centres DDR. A Gao, il y a trois (03) sites dont un qui est totalement permanent. Il se trouve à Fafa et, tout de suite, je viens de terminer avec une mission de la coordination nationale des DDR. Elle vient juste de faire un champ d’inter-change d’informations sur le calendrier de DDR, sur les engins et sur les objectifs de DDR. Donc, à Gao, nous sommes vraiment en plein dedans. Et le centre d’accueil qui se trouve à Fafa est prêt à recevoir les gens. Les combattants sont suffisamment informés et les éléments du MOC présents sur place.
Concernant l’Accord, pourrons nous dire qu’il y a eu des avancées sur le terrain par rapport à ce qui est écrit sur papier ?
Regardez, la mise en œuvre de l’Accord est un processus et les gens se précipitent pour évaluer en disant qu’on est lent, qu’il y a des retards, il y a ceci ou cela. Ce sont des affirmations gratuites ; car, l’Accord est signé il y a plus d’un an seulement alors que les dispositions à mettre en place sont vastes, nombreuses et multiples.
Il y a ce qui revient à l’Etat malien seul ainsi que ce qui revient à l’Etat et ses partenaires. Aujourd’hui, pour ce qui concerne le Mali, dans le cadre de certaines attributions, certaines dispositions de l’Accord, je venais de vous le dire, les autorités intérimaires ont été investies à Gao, ça c’est l’accord. Le MOC est fonctionnel, il est à Gao ça c’est aussi l’Accord. La paix est à Gao, mais il y a aussi l’insécurité. Donc, il faut que les gens comprennent que le phénomène d’insécurité ne doit pas être confondu avec la paix. Car, l’Accord est pour la paix et la réconciliation nationale C’est-à-dire, des groupes s’affrontent directement, des belligérants se tirent dessus pour des futilités d’occupations, de cession du pays et de changement d’idéologies, cette forme de situation n’existe plus à Gao depuis la signature de l’Accord de paix. Alors, la paix est là ; mais il y a des cas d’insécurité, il faut le reconnaître. Sachant bien que la situation de l’insécurité reste préoccupante et imprévisible, la paix est quand même là. Donc, concernant le processus de mise en œuvre de l’Accord à Gao, nous avons des avancées très significatives et je dis que ça s’améliore par la mise en place des autorités intérimaires, et du MOC qui est fonctionnel ici. Les récentes élections qui ont pu se tenir s’explique par l’Accord. Donc, il y a des avancées sur le terrain mais également des insuffisances. Tantôt certains diront des retards ; mais regardez, par exemple, depuis l’Accord jusqu’aujourd’hui, le Gouverneur de Gao abrite le Gouverneur de Kidal alors que l’Accord devrait permettre le redéploiement de l’ensemble des autorités politiques, administratives, militaires, sécuritaires, etc., à Kidal et dans toutes les autres Régions. Ce qui n’est pas le cas jusqu’ ici et cette compétence est partagée, elle relève en même temps des partenaires et de l’Etat malien. Donc, là, il y a un retard mais on ne peut pas brusquement dire comme sous forme d’accusations que quelqu’un n’a pas la volonté, il faut réunir les préalables et c’est ce qui est en cours.
Les autorités intérimaires installées ont-elles commencé le travail ? Si oui, est ce que cela a commencé à donner automatiquement des retombées escomptées ?
Les autorités intérimaires grâce à Dieu et à la perspicacité de l’ensemble des partenaires à l’Accord, des parties prenantes à l’Accord, les Gouverneurs du Mali, tous, ont convoqué les efforts qui ont abouti à la mise en place effective des autorités intérimaire à Gao, à Kidal et à Ménaka, à Tombouctou et à Taoudéni. Il est vrai qu’il y avait quelques petits enragements à faire, c’est en place, Dieu merci et les avancées se mesurent dans la mise en œuvre de l’Accord ; car, c’est l’Accord qui l’a permis et c’est fait.
Maintenant, c’est irresponsable de dire à peine d’être investis, qu’ils apportent tout de suite quelque chose. Même là, le Gouvernement n’a pas attendu, il a immédiatement enclenché la tenue des sessions de formation à leur intention. Bénéficier de la confiance de ceux qui vous ont mis là si vous ne savez pas exactement ce qu’ils veulent de vous, peut amener alors un peu de blocage. Donc, le Gouvernement, pour éviter ce blocage, a enclenché tout de suite un calendrier de formation qui est en cours. En outre, nous verrons à la tâche ce qui peut être fait.
De mon point de vu, il est trop tôt de vouloir apprécier ce qu’ils ont pu faire ou pas. Ce qui est sûr, c’est qu’ils sont là et cela veut dire que les parties prenantes à l’Accord sont là et ça consolide le processus de paix et conforte la réconciliation nationale. Qui et qui vont être réconciliés ? Ce sont les fils, les filles du pays et les différents mouvements en conflits. Ce sont eux qui constituent aujourd’hui l’autorité intérimaire. Donc, s’ils sont déjà ensemble, cela veut dire qu’il y a des actes.
Où en est-on avec le retour des Réfugies ?
Les Réfugies, nous les saluons. A ce qui me concerne, ils sont au Niger et au Burkina. Le Gouvernement leur apporte tous les soutiens nécessaires en termes d’alimentation, de soins, de liberté d’expression, de liberté politique. Même la faculté est laissée à chacun librement de décider de rentrer. Ceux qui veulent rentrer, entrent, il suffit simplement de l’exprimer. Sur le coup, le Gouvernement et ses partenaires organiseront leur retour volontaire. Donc, la porte est ouverte et toutes les conditions sont réunies ici pour que dès que vous voulez venir vous serez accueillis à bras ouverts chez vous ou à tout autre lieu que vous indiquerait. Le Gouvernement a poussé à travers le Ministère de l’Action humanitaire jusqu’à créer des sites d’implantation et réhabiliter d’autres. Ces sites de départ renforcent les structures d’accueil à ce niveau. L’Etat souhaite leur retour mais il est indispensable de réunir toutes les conditions pour qu’ils reviennent. Par contre, on ne peut pas les obliger à venir. Il faut reconnaître que les causes qui ont fait qu’ils ont quitté le pays existent de moins en moins. La sécurité, certes, est fragile ; mais, la paix est là et, ici, à Gao, personne ne peut plus aller vandaliser chez une autre personne.
Il y a eu une polémique sur la conférence d’Entente Nationale qui s’est déroulée récemment à Bamako, pouvez vous nous livrer vos impressions ?
C’est que ç’a été très bien passé ; ç’a été une réussite, un succès total, à Gao, à l’image des autres Régions du Mali. De la diaspora aux Hauts Conseils des Maliens de l’Extérieur, on a pu librement participer et apporter la voix de Gao. C’était quoi ? C’était d’abord, aller traduire avec sincère des recommandations issues des travaux des concertations régionales de Gao. Cela a été fait.
Alors, c’est une représentation structurelle spatiale et ce que nous avons apporté a pu être conforté par d’autres voix qui sont venues par d’autres moyens. De notre point de vu, la tenue de la Conférence d’Entente National a été véritablement une réelle réussite à ce sens que les gens de tous bords confondus se sont librement exprimés. Plus encore, elle a pu rassembler et déterminer les causes qui reviennent adopter des mesures pour les corriger. La grande famille du Mali s’est retrouvée même ceux qui, au départ, n’étaient pas là ont rejoint leurs frères et sœurs avant la fin et nous avons bénéficié de l’accompagnement de tout le monde. Ils sont venus faire leurs témoignages en direct et publiquement. Donc, pour nous, ceux qui, au début, avaient tenté de créer des polémiques ou des controverses ignoraient ce qui devrait se passer en réalité. Il ne s’agit pas d’une simple rencontre mais de l’application d’une disposition de l’Accord que le Gouvernement devrait mettre en œuvre. Et c’est cet Accord qui dit qu’il faut organiser une Conférence d’Entente Nationale pour aboutir à une charte pour la paix, une attente réelle.
Quand on dit que le Mali appartient aux Maliens. Est ce vrai alors qu’on constate que tout est piloté de l’extérieur ?
Le Mali était un pays libre, indépendant et souverain. Poser une question de ce genre, était le jeu d’autres genres. Nous avons notre Peuple, notre Constitution, notre Devise, notre Administration, notre Territoire, notre monnaie, notre Armée nationale, etc. et nous sommes également dans un contexte sous-régional. Nous ne sommes pas jaloux de notre Souveraineté, au contraire, nous voudrons nous appuyer sur notre souveraineté pour une ouverture vers le monde. Le Mali c’est çà, prêt à céder une partie ou toute sa Souveraineté pour l’Unité nationale et pour l’Unité de l’Afrique. Alors ce contexte de l’Afrique se trouve aussi dans un contexte mondial dont la Géopolitique requérait chaque Etat en plus de ce que vous faites à l’interne. Nous ne devrons pas perdre de vue que vous appartenons à un ensemble et que, souvent, cet ensemble fait joué des rapports de diplomatie, des rapports de coopération, des traités et des accords. Donc, suivant cette cohérence, on peut se baser sur l’un des contextes pour dire que tel traité a été prescrit comme ça et que le Mali l’a ratifié et accepté. Nous pourrons dire alors que notre pays n’est pas seulement dirigé par le Mali seul; car, il y a des engagements à respecter vis-à-vis des autres. Et c’est réciproque. A part cela, cette question ne devrait pas être posée ; car, le Mali est un pays libre, indépendant et souverain.
Pourquoi on a l’impression que le Mali est dirigé par d’autres pays ?
Cette impression peut être partagée aux différents niveaux. L’Etat sort d’une crise qui l’a suffisamment affaibli et qui a poussé des Maliens à tirer sur d’autres Maliens pour un rien et ainsi renverser le Régime démocratiquement mis en place. La crise est profonde, elle était institutionnelle. Le Gouvernement actuelle, le Président actuel a dit : «Voici ce que je propose, tous, ensemble, nous allons nous battre pour le bonheur du Mali et la dignité de ce pays ».
Cela, vous ne pouvez l’entendre nulle part. Il a fallu que quelque chose soit détruite dans notre pays, et ce qui a été détruite est palpable. Aujourd’hui, à Gao, Ménaka, Tombouctou, nous recevons de loin Kidal. Donc, si nous n’avons pas des rapports de convention, des appuis, des traités sollicités des Nations-Unis, un accompagnement de nos amis de la France, amis de l’Europe pour dire venez nous aider, seuls nous ne pourrons pas le faire. Les amis voisins du G5, venez nous aider, vu sur cet aspect, il n’est même pas méchant de dire qu’on est géré par l’Etranger. C’était impossible que la MINUSMA, la Barkhane, Union Africaine, soient là sans l’intervention de notre Président qui a demandé de l’aide à la CEDEAO, l’Allemagne, la Hollande de la France. Tout ça est prescrit dans le cadre de la coopération bilatérale et multilatérale. Alors vu sur cet aspect, c’est au contraire un développement diplomatique et non question d’être dirigé par l’Extérieur.
Pour finir, j’aimerais vous saluer, il faudra nous aider à travers vos monologues, vos outils de presse à développer les images du pays autrement. Gao n’est pas assurément ce qu’on décrit. Il est vrai qu’il y a l’insécurité à Gao mais on constate bien qu’avec la conjugaison des efforts de l’ensemble des populations on peut ramener la sécurité.
Propos recueillis par notre Envoyée Spéciale à Gao, Zénébou Maïga