En vue «d’adapter l’outil à l’objet, la lettre à la pratique pour mieux avancer dans la construction d’un système démocratique performant », les Députés ont reçu pour la 3e fois de l’Histoire de l’Assemblée Nationale malienne, la mission d’examiner le projet de lois relatif à la révision de la Constitution du 25 février 1992. Au cours d’une session extraordinaire qui s’est ouverte le samedi, suite au Conseil des Ministres extraordinaire consacré en grande partie audit projet, les Représentants du Peuple sont appelés à nettoyer l’actuel texte fondamental de ses «lacunes et de ses insuffisances». Si le projet de lois est adopté, notre pays passera à un parlement bicaméral. Le Sénat sera institué en tant que chambre haute du parlement aux côtés de l’Assemblée Nationale.
Il y a lieu peut-être de rappeler que l’initiative de cette révision de la Constitution ne date pas d’aujourd’hui. Le premier Président de la 3e République avait éprouvé au cours de son second mandat la nécessité d’un réaménagement constitutionnel mais son initiative n’a pas abouti pour diverses raisons. Le deuxième Président (de la 3e République) avait, à son tour, au cours de son second mandat, initié une procédure de révision de la Constitution en vue «d’adapter l’outil à l’objet, la lettre à la pratique pour mieux avancer dans la construction d’un système démocratique performant ». Cette initiative également n’a pas abouti en raison des évènements survenus dans notre pays en mars 2012.
La crise sécuritaire et institutionnelle qui s’en est suivie ayant révélé la fragilité des institutions de la 3e République et montré l’évidence de la nécessité d’une révision constitutionnelle, les autorités actuelles semblent décidées à franchir ce cap que leurs prédécesseurs n’avaient pas pu. En témoigne la mise en place, en avril 2016, par le Président de la République, d’un comité d’Experts chargé d’élaborer l’avant-projet de lois de révision de la Constitution. L’avant-projet de lois proposé par le Comité d’Experts et adopté par le Conseil des Ministres fait référence dans son préambule à la Charte de Kuru Kan Fuga ou Charte du Mandé adopté en 1236 pour valoriser le patrimoine culturel et historique du Mali.
Il prend en compte les clauses de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation nationale issu du processus d’Alger, valorise les acquis des précédentes tentatives de révision constitutionnelle et corrige les insuffisances de la Constitution du 25 février 1992.
Zoom sur les grandes lignes du nouveau texte
Outre la création d’un parlement composé de deux chambres à savoir l’Assemblée nationale et le Sénat, parmi les modifications de taille figure l’annulation du statut d’institution de la République de la Haute Cour de Justice. Elle ne figure plus parmi les Institutions de la République mais elle demeure compétente pour juger le Président de la République et les Ministres mis en accusation devant elle par le Parlement pour haute trahison ou crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions ainsi que leurs complices en cas de complot contre la sûreté de l’Etat.
Les Institutions de la République sont au nombre de huit dans l’ordre de prééminence suivant : le Président de la République, le Gouvernement, l’Assemblée nationale, le Sénat, la Cour constitutionnelle, la Cour suprême, la Cour des Comptes et le Conseil économique, social, culturel et environnemental.
Le projet de lois adopté confère au Président de la République la responsabilité de déterminer la politique de la Nation et le droit de nommer le Premier Ministre et de mettre fin à ses fonctions sans qu’il soit nécessaire que celui-ci lui présente sa démission.
La Cour constitutionnelle devient la 5e Institution de la République et retrouve, de part la qualité et le mode de désignation et de prestation de serment de ses membres, ses attributions et son rôle, la place qui lui échoit dans la hiérarchie des institutions. C’est elle qui reçoit le serment du Président de la République.
La Cour des Comptes reçoit la déclaration des biens du Président de la République à l’entame et à la fin de son mandat, vérifie les comptes publics et assiste le Gouvernement et le Parlement dans le contrôle de l’exécution des lois de finance et l’évaluation des politiques publiques.
Le Conseil économique, social et culturel prend la dénomination de Conseil économique, social, culturel et environnemental.
Autre nouveauté, «le projet de lois adopté institue une procédure de révision constitutionnelle par voie du Parlement réuni en congrès sur la saisine du Président de la République». Jusqu’à présent les révisions constitutionnelles n’étaient possibles que par voie référendaire.
Le projet de loi n’entraine pas un changement de République, ne remet pas en cause la durée et le nombre du mandat du Président de la République.
Le projet de lois initié fera l’objet d’une large concertation.
Katito WADADA : LE COMBAT