LE COMBAT : Que pensez vous du procès d’Amadou Aya à Sikasso?
Issa Karounga Kéïta: Je pense que ce procès nous donne, en tant que défenseur des Droits humains, beaucoup d’espoir dans le cadre de la lutte contre l’impunité. Mais, je pense que ce procès ne doit pas nous faire perdre de vue, voire oublier les autres graves cas de violation des Droits humains qui ont été commis depuis le début de la crise en 2012 et qui d’ailleurs continuent à être commis.
Trouvez-vous légaux ces multiples reports du procès, Monsieur Kéïta ?
Je pense que c’est normal ; car, c’est un procès, que ce soit le cas d’Amadou Aya ou un autre cas de procès ordinaire, il y a toujours ces choses là qui dépendent, quand même, des moyens de défense des parties au procès. Tantôt c’est la partie civile qui est l’initiateur, tantôt c’est la défense et tantôt même cela dépend de l’attitude des magistrats et des juges qui sont sur l’affaire. Mais, je pense qu’on ne doit pas penser comme si le procès allait se faire en une journée. Mais plutôt, il doit prendre le maximum de temps qu’il faudra pour la manifestation de la vérité. Sur ce, les reports sont, donc, tout à fait normaux.
Issa K. Kéïta, que pensez-vous du transfert de ce procès à Sikasso ?
Je pense que vous-même vous observez déjà la tension qui est au tour de ce procès. Déjà, même à Sikasso où il est transféré, on voit la tension qui le suit. A mon avis, si ce transfert peut contribuer à la manifestation de la vérité je n’y vois pas d’inconvénients. Il faut, vu la situation actuelle du pays, essayer de sauvegarder l’ordre public. Le Mali est en crise ; donc, il ne faut jamais perdre de vue à cela, tout ce qu’on peut faire non seulement pour rendre la justice dans ce pays, mais on ne doit pas aussi oublier de tenir compte de côtés sociopolitiques et économiques de la nation et des citoyens. Car, le pays est toujours en crise.
Que proposerez-vous pour le bon déroulement de ce procès longtemps attendu ?
Ce que moi je proposerais d’abord, c’est de demander au gouvernement de mettre tous les moyens nécessaires à la disposition de la justice. Car, cela est très important pour la tenue correcte et impartiale d’un procès. Que ce ne soit pas seulement pour le cas de Sanogo, qui nous donne de l’espoir, mais, depuis 2012 à nos jours, il y a eu de milliers de Maliens qui ont été victimes de toutes sortes d’actes de violations graves des droits humains ; il y a de très hauts Responsables de l’Etat qui ont été sauvagement tués même à Kidal en 2014 , et les cas de l’insécurité qui est d’actualité un peu partout à travers le pays. Je pense que l’Etat doit essayer de mettre l’accent sur la quiétude et ce n’est pas la position actuelle qui peut favoriser cela. Il lui faut, donc, de mettre des moyens financiers, des moyens matériels et techniques à la disposition de la justice pour qu’elle puisse jouer véritablement son rôle.
Et je demande également à plus de courage à nos magistrats ; parce que, souvent, quand ça ne va pas, même les politiques ont tendance à se rabattre sur eux. Les magistrats sont censés être indépendants et autonomes. Ils doivent toute leur indépendance pour pouvoir faire régner la justice dans ce pays.
Propos recueillis par Sanogo Sheibou : LE COMBAT