Longtemps considérés avec les femmes comme du «bétail électoral», les jeunes ont décidé cette année de changer la donne. Ils sont nombreux à se présenter aux communales du 20 novembre.
S’il y a un fait qui saute à l’œil nu quelques jours des élections communales, c’est la floraison de candidatures jeunes sur les différentes listes électorales. L’exemple de la capitale et de ses alentours est là pour l’attester. Les élections communales, après moult reports, se tiendront cette fois-ci à la date indiquée ; c’est-à-dire le dimanche (20 novembre) prochain. Même si des voix s’élèvent ça et là pour dénoncer les conditions sécuritaires et annoncer que leur tenue serait une « partition de fait du pays », les autorités semblent, cette fois-ci, déterminées à mettre fin au bail des vieux maires. La campagne a été lancée le 4 novembre dernier sans tambour ni trompette. Les artères de la ville de Bamako sont envahies par les affiches des candidats. De façon anarchique, elles ornent même des monuments. Dans cette foultitude d’affiches, des visages juvéniles sont, on ne peut plus clair, nombreux. On croirait aux premiers abords à des jeunes choisis pour la circonstance par un leader pour s’afficher en candidat de la jeunesse et résolument engagé pour l’emploi de jeunes. Alors que tel n’est pas le cas du tout. Ces jeunes sur les affiches sont de véritables candidats, alignés dans les startings blocs et prêts à prendre part à la course pour la conquête des mairies. Le parti Yéléma de l’ancien Premier Ministre, Moussa Mara, est fidèle à sa tradition de promotion des jeunes.
Dans la commune de Kalaban-Coro, c’est le jeune Bekaye Traoré qui part à la conquête de la mairie. Il estime qu’il est temps pour la jeunesse de prendre les choses en main dans cette commune. Lui qui, longtemps, a été le «mobilisateur des foules» au profit des différents maires qui se sont succédés est désormais candidat. Dans la même commune, Lamine Sangaré du Rassemblement pour l’Education a l’Environnement et au Développement Durable (REDD), membre du Bureau communal sortant, qui s’affiche également. Appelé le candidat des « femmes » pour les nombreuses actions qu’ils mènent en faveur des femmes, Lamie Sangaré part avec des pronostics favorables. Jeunes et dynamique, il estime que la vieille garde à déjà fait ses preuves et qu’il est désormais temps pour la jeunesse de prendre le flambeau et d’apporter à la commune le développement escompté. «Dans une commune à majoritairement jeune, il faut un jeune pour comprendre les jeunes et les femmes pour œuvrer et aller dans le sens souhaité », dit-il.
Autre commune ayant des mêmes réalités
En commune V du District de Bamako, là également les jeunes ne se sont pas faits prier pour prendre leur destin en main. Sur la liste du Rassemblement Pour le Mali (RPM), figure en bonne place Sory Ibrahim Sangaré. La trentaine révolue, il ne paie pas de mine. Il va en compétition avec de nombreux jeunes figurant sur les 25 autres listes concurrentes.
Au sein du PARENA, dans la même commune, le dévolu a été jeté sur Seydou Cissé pour mener le parti du bélier blanc à la victoire. Il croit tout comme ses devanciers à ses chances.
En sillonnant, les autres communes du District de Bamako, impossible de ne pas voir d’affiches de campagnes avec des visages juvéniles. Ils sont en avant-garde et battent campagnes pour vendre aux populations leurs projets de société qu’ils qualifient de «novateurs». Mais, il y a parmi eux un jeune candidat qui émerge du lot par son offensive sur le terrain et les réseaux sociaux : c’est Mohamed Bah de la liste indépendante « Sinignesigi Gundo », en Commune I du District de Bamako. Ce Doctorant en Droit public dans une prestigieuse université dans le pays de Marianne n’est pas à son coup d’essai. Il a été candidat aux législatives dernières. Le maigre score récolté ne le dissuade pas pour autant de tenter à nouveau ses chances. Il a avec d’autres jeunes comme lui formé la liste indépendante « Sinignesigi Gundo ». Depuis le 4 novembre, date de l‘ouverture officielle des campagnes électorales en cours, il est au four et au moulin. De visites porte à porte à meetings en passant par les antennes des radios, il «vend bien» son programme. Un programme qu’il présente comme étant une nouvelle dynamique d’un nouveau projet de société qui prend en compte les valeurs morales et intègres.
Pour ce faire, Mohamed Bah invite la jeunesse à soutenir leur liste pour enfin « prendre en main l’avenir de la communauté ».
Cette présence massive des jeunes n’est pas pour déplaire à une grande partie de la population, qui voit en cela « une jeunesse responsable ». « Quand des jeunes décident d’aller au devant de la scène politiques et de prendre les choses en main, cela est de bonnes augures. Car, une nation sans jeunes dévoués et engagés et appelés à jouer les derniers rôles, c’est une nation qui n’avance pas», croit Oumar Kéïta, Enseignant du secondaire. Même son de cloche chez Nana Toumagnon, vendeuse au marché de Kalaban-Coro. Elle pense qu’avec l’avènement des nouvelles technologies et la vitesse avec laquelle va le monde, il faut des personnes dynamiques et qui cernent les contours des pratiques nouvelles apportées par les technologies. Elle estime, donc, que les jeunes sont mieux placés que d’autres pour assumer ce rôle et apporter aux communautés le développement recherché.
Mais Mohamed Kéïta, Etudiant à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako, appelle à la vigilance pour ne pas tomber dans ce qu’il appelle la «Jeunessephilie ». Il soupçonne de nombreux jeunes de n’être que des hommes partisans de vieux tapis dans l’ombre et qui viendront gérer la mairie une fois que le jeune candidat est élu. «Il y a beaucoup de partis en perte de crédibilité qui, pour faire oublier leurs vieilles gardes qui n’ont apporté que souffrances aux populations, se réfugient derrière des jeunes pour ensuite récupérer les communes». Lui ne croit, donc, pas à la volonté des jeunes de se prendre en main mais il pense plutôt à une nouvelle forme d’achat de conscience des jeunes. A sa suite, le promoteur de spectacles, Alioune Ifra N’Diaye alerte aussi sur le choix des futurs maires. Pou lui « être jeune n’est pas un projet de société ». Il revient, donc, aux populations même si elles apprécient la volonté des jeunes de postuler, de savoir choisir celui qui aura en charge de gérer leurs communes pour les 5 prochaines années en ne se basant que sur leurs programmes.
Mohamed Dagnoko : LE COMBAT