Franc CFA ou la rupture impossible dans la continuité ?
Dr Lamine KEITA
Le FCFA, une monnaie fortement appréciée, à conserver …
L’échéance de 2020 reste imperturbablement avancée pour l’avènement d’une nouvelle monnaie commune aux pays de la CEDEAO alors que la presse continue d’entretenir la controverse sur la monnaie du FCFA, tantôt présentée comme une monnaie coloniale responsable de la misère des populations qui en sont utilisatrices, tantôt réclamée comme étant la meilleure monnaie pour l’Afrique francophone et non par des moindres parmi lesquels son Excellence Alassane Ouattara, président de la Côte d’Ivoire, de surcroît ancien haut responsable du FMI et ancien gouverneur de la BCEAO.
Au titre des arguments, le Président Ouattara explique, dans un article paru dans le site Beninwebtv.Com du 5 décembre 2019 que : « Le fait que nous sommes arrimés à l’euro, si nous empruntons des euros, le moment de les rembourser dans cinq ou dix ans, le taux est fixe. Il n’y a pas de problème. Donc, c’est le même taux auquel nous remboursons. Et si nous avions une monnaie, les gens parlent de monnaie flexible, c’est très bien pour certains pays. Mais nous, nous avons une parité fixe. Je suis désolé de le dire, je suis ancien gouverneur de la Banque centrale et peut-être que je ne suis pas objectif. Si les pays de l’UEMOA n’ont pas tellement de problème de dettes, c’est grâce à cette parité fixe. »
Poursuivant son plaidoyer en faveur du maintien du FCFA, Monsieur Ouattara avance le taux d’inflation dans les pays utilisateurs du FCFA comme étant parmi les plus bas 2%, contre 7 à 8% pour les autres pays de la CEDEAO. De la même façon, la dette publique dans les pays de la zone franc reste dans une meilleure proportion de la richesse nationale que dans les autres pays. Au même moment, le taux de croissance y est encore beaucoup plus élevé +6% contre 3% pour les autres pays.
Au titre des arguments du maintien du FCFA, le président du Sénégal, son Excellence Macky Sall, la stabilité de la zone monétaire du modèle macroéconomique et la solidarité dans les pays de la zone franc constituent des atouts en faveur du FCFA, une monnaie de plus demandée dans les pays limitrophes. En conclusion, selon le président sénégalais, le souhait des pays de la CEDEAO d’aller à une Monnaie commune exige que tous des préalables soient remplis dans les autres pays quand on examine les performances des économies du FCFA.
…mais qui, empêchant le développement, doit être abandonné. Cependant, selon le même article, plusieurs autres économistes et pas des moindres, dans le monde, pensent que c’est le CFA qui empêche en partie, le développement de cette partie de l’Afrique qui l’utilise. Outre les économistes, les chefs d’État de la CEDEAO, qui sont pourtant au faîte de l’information, ont tout de même convenu d’en finir avec cette monnaie. Il va sans dire que le développement de Monsieur Ouattara manque, comme il l’a dit, d’objectivité et qu’en réalité, il y a un problème réel avec le CFA si les pays ont « ensemble » convenu de s’en débarrasser.
… consacrant ainsi l’impossible consensus autour de cette monnaie.
Nul ne saurait s’empêcher de constater l’existence réelle de deux visions différentes et contradictoires formulées autour du même sujet du FCFA et de la part des spécialistes de la même discipline, sans pouvoir trancher objectivement entre ces positions diamétralement opposées.
En effet, on ne saurait se contenter d’admettre le manque d’objectivité pour affaiblir l’argumentaire de son Excellence Alassane Ouattara pour donner raison à la partie qui lui est opposée, sans paraître tout aussi subjectif.
En comptant entièrement sur la bonne intention de nos deux présidents, je propose le présent article comme une contribution que je mets à la disposition de nos Chefs d’État en tant que citoyen ressortissant d’un pays de l’UEMOA qui aura passé huit ans au service de la formation des statisticiens économistes des pays africains francophones au CESD-Paris et trois ans à l’École Nationale d’Économie Appliquée – ENEA- de Dakar pour le même objectif.
Je me sens conforté dans cette mission pour deux raisons. D’abord, j’ai retenu, selon une déclaration du président sénégalais qui a dit un jour, que si on arrivait à lui montrer qu’il est sur un mauvais chemin, alors il suivra le bon chemin. Ensuite, je voudrais saluer l’extrême humilité du Président Ouattara qui a laissé apparaitre la possibilité qu’il puisse manquer d’objectivité en affirmant sa confiance dans un système du FCFA dont il est effectivement l’un des acteurs qui auront le plus contribué à le façonner.
Un problème de méthodologie commun aux pros et les anti FCFA
Les pros et anti FCFA font face au même problème de méthodologie qui fait que l’économie, dans leur approche, est restée empirique, c’est-à-dire privilégiant l’observation au détriment de la réflexion, l’abstraction. Pour pallier cette insuffisance, nous avons créé l’Économie scientifique, c’est-à-dire l’[1]Économie dotée de la théorie et des instruments de mesure.
À ce titre, il apparaît important de comprendre que la monnaie est par excellence, un instrument de mesure dans la discipline économique, et principalement, le FCFA est un instrument de mesure dont le poids est initialement fixé comme étant les 2 centimes du franc français, soit 1 FCFA = 0,02 FF. Les pays utilisateurs du FCFA, à travers les prix des biens et services fixés en FCFA, déterminent la valeur des biens et services exprimée en FF et aujourd’hui en euro, grâce au lien fixé volontairement et arbitrairement dans la définition du FCFA. Dans ces pays, le prix et la valeur ne coïncident pas. L’histoire nous apprend que cela était le cas au moyen-âge français où les prix étaient fixés en écu et la valeur en Livre Tournois.
Dans la plupart des autres pays, le prix et la valeur coïncident comme il en est le cas dans les pays européens membres de l’euro ou aux États-Unis ou au Canada. En effet, dans ces pays, la monnaie a pour valeur l’unité et l’instrument monétaire apparaît comme la représentation matérielle de l’unité de mesure. Ainsi, dans ces pays, le prix et la valeur coïncident.
Bien compris, dans le monde, le FCFA est le meilleur instrument de mesure en économie,
La dimension du FCFA est connue dans les pays utilisateurs comme une quantité d’euro et l’euro sert de référence de la valeur dans les pays du FCFA.
… En effet, la dimension du FCFA est précisée …
Cependant, que vaut l’euro dans les pays utilisateurs de l’euro ou encore le dollar US aux États unis ? Personne ne peut donner une référence quelconque de ces monnaies par rapport à la réalité concrète. En effet, même si elles sont supposées être de valeur unité sur leur territoire de validité, ces monnaies ne sont définies par rapport à aucune réalité concrète manque depuis aout 1971 lorsque les USA ont abandonné toute référence à l’or dans la définition de leur dollar, laissant ainsi flotter toutes les autres monnaies par rapport au dollar et entre elles.
… alors que les autres monnaies à travers le monde n’ont pas de dimension connue.
Donc chacune de ces monnaies apparaît comme un instrument de mesure dont on aura oublié de définir la dimension, un peu comme si adoptait le mètre comme unité de mesure en oubliant d’en indiquer la dimension dans une réalité concrète.
Donc, dans ces conditions, la mesure se déroule comme une pratique totalement hasardeuse dans laquelle on n’a aucune conscience ni de l’objet mesuré, ni de l’instrument de mesure utilisé, ni même de l’objet de la discipline concernée.
Par conséquent, bien compris, dans le monde, le FCFA est le meilleur instrument de mesure que l’histoire aura fabriqué pour les pays utilisateurs. Cependant, à ce jour, personne n’en a véritablement conscience.
…Malheureusement, le FCFA, mal utilisé dans l’ignorance de son rôle d’instrument de mesure
C’est ce qui explique pourquoi ce bel instrument de mesure aura été soumis à des manipulations qui, ignorant ce rôle d’instrument de mesure en arrive à utiliser inconsciemment la diminution des poids et mesures comme une mesure de politique publique, alors qu’elle ne constitue qu’une pratique frauduleuse et contre productive dont les conséquences, en termes d’appauvrissement de la population et de destruction des valeurs de l’actif sont aujourd’hui largement établies dans nos travaux et connues depuis N. Copernic.
En effet, cette pratique induit un transfert forcé des ressources de la population au profit du responsable du système monétaire en l’absence d’un Roi -comme cela était le cas au moyen-âge français-, et induit un mauvais décompte de la valeur de tous les actifs, dont la valeur se trouve détruite mécaniquement.
… le FCFA est devenu le pire instrument pour l’appauvrissement des populations.
Ainsi, mal utilisé, le FCFA, tout en étant perçu comme le meilleur instrument de mesure, se trouve être détourné de ses fonctions pour devenir un instrument d’appauvrissement, montrant ainsi que ce sont les conditions d’utilisation du FCFA qui sont plutôt dangereuses et non pas le FCFA.
On retrouve ainsi la réponse à une question clairement posée par le président tchadien Idriss Déby qui demandait lors d’une interview à savoir si c’est le FCFA qui est en cause ou les accords de coopération. Malheureusement, dans une situation où le problème est imparfaitement posé, aucune réponse ne peut paraitre satisfaisante sans toucher à ce qui est établi comme des sujets tabous. Ici, nous allons parler avec exactitude et preuves établies au regard des principes logiques connus.
Il faut donc faire attention, dans le cadre des changements souhaités autour du FCFA, pour ne pas jeter l’enfant avec l’eau du bain. Nous avons produit suffisamment d’analyses sur ce sujet depuis plus de 17 ans, à partir donc de 2002.
Ne pas confondre, meilleur instrument de mesure et meilleure monnaie
Cependant, si le FCFA est analysé comme étant le meilleur instrument de mesure dans le monde, cela ne signifie pas que le FCFA est la meilleure monnaie du monde, étant donné que le FCFA tient son existence à l’existence préalable du FF, puis de l’euro, sans lesquels le FCFA ne constituerait qu’un mot n’ayant aucune existence ni contenu réels ou utiles. En effet, le FCFA est une partie fixe du FF, comme le centimètre l’est pour le mètre.
Par conséquent, le FCFA n’est arrimé à rien. Il est le FF en sa centième partie et ne bénéficie d’aucune existence autonome comme une entité distincte. Il est donc inapproprié de parler d’arrimage du FCFA à l’euro, une mauvaise perception dictée par l’ignorance du rôle d’instrument de mesure et du rôle de l’euro et du FCFA en tant qu’instruments définissant la théorie de la mesure, l’étalon et le numéraire.
Concepts et clarification de mots d’usage courant en économie
En l’absence de concepts bien établis, plusieurs termes ne peuvent être utilisés à bon escient. Il en est ainsi des notions d’étalon et de numéraires, pourtant connus depuis D. Ricardo, qui nous permettent de caractériser le lien entre un étalon et les unités usuelles de mesures qui lui sont dérivées. Nul ne saurait donc parler de taux de change ou de parité entre le FCFA et l’euro, hier le FF.
De plus, nul ne devrait parler d’arrimage entre l’étalon et le numéraire, car le centimètre n’est pas arrimé au mètre dont il ne représente que la centième partie et sans lequel le centimètre ne saurait exister. L’arrimage concerne deux entités distinctes comme le bateau et la remorque à laquelle le bateau va être solidement amarré. Donc le FCFA n’est pas arrimé au FF dont il représente une quantité fixée par la même autorité qui a créé le FF et aussi le FCFA.
… Existe-t-il un débat parité fixe contre monnaie flexible du FCFA?
Au lieu de choisir un lien de fixité avec une monnaie connue sur le plan international, l’idée est émise de choisir comme alternative pour le FCFA le taux de change flexible, c’est-à-dire un rapport changeant entre cette monnaie et toutes les autres monnaies.
Au préalable, il convient de préciser que le fait de choisir une relation fixe du FCFA avec le FF ou aujourd’hui avec l’euro ne signifie pas que le taux de change pour le FCFA est fixe.
En effet, le taux de change du FCFA est flexible par rapport à toutes les autres monnaies sauf celle qui sert de support du FCFA qui est l’étalon du FCFA et qui dicte au FCFA tous ses mouvements par rapport aux autres monnaies étrangères.
Aujourd’hui, lorsque l’euro est faible sur les marchés, le FCFA l’est tout autant. Cependant, on sentira moins le mouvement de fléchissement de l’euro si on échange peu avec l’extérieur de la zone euro dans laquelle la zone franc se trouve désormais intégrée de fait, malgré l’appellation de zone franc. Il apparaît donc qu’un peut choisir librement comme en toute indépendance de choisir de faire partie d’une zone monétaire sans attendre de respecter les tracasseries administratives qui ne sont en réalité de nul effet.
La théorie de la mesure permet de comprendre que le choix d’une référence pour la monnaie FCFA permet de choisir un étalon de valeur et la taille pour l’instrument de mesure que représente le FCFA. Un instrument de mesure doit avoir un contenu stable et fixe et non pas être en permanence en mouvement.
Imaginez l’incohérence que cela représenterait à vouloir mesurer avec un mètre élastique qui peut s’étendre ou se rétrécir au gré de l’évolution de la température au cours de la journée. Le résultat de la mesure n’aurait aucun sens.
Il est donc important de pouvoir se donner une bonne représentation de l’instrument de mesure qu’est l’instrument monétaire.
Le choix d’un système de change totalement flottant pour la future monnaie commune…
L’idée de laisser flotter la monnaie future commune de la CEDEAO en liaison avec un panier de monnaies international apparait comme une alternative à la fixité du lien du FCFA avec le FF ou aujourd’hui l’euro. Sans théorie établie, toutes les actions restent possibles à la volonté humaine. À ce titre, rien n’empêche de tester, comme en réaction contre l’expérience de fixité du FCFA avec le FF ou l’euro, le flottement généralisé de la future monnaie commune africaine.
….. un choix perdant d’office…
Nous avons vu l’avantage du FCFA comme instrument de mesure par rapport aux autres monnaies du monde. En décidant de laisser flotter cette future monnaie commune sans aucune référence par rapport aux grandes devises qui seront choisies dans le panier, il apparait clairement à l’analyse, que cette monnaie commune qui n’aura aucun lien avec aucune réalité concrète finira par devenir comme les autres monnaies, une monnaie dont la dimension n’est pas définie.
… livrant les populations de ces pays à une instabilité aggravée par une inflation incontrôlable
Par conséquent, son évolution par rapport aux autres monnaies ne pourra être guidée que par le hasard avec une forte chance d’être moins connue que les autres monnaies tout étant moins utilisée y compris par les pays qui l’auront mise en circulation et dont les économies sont toutes orientées vers l’extérieur lointain.
Il apparaît donc que les économies de ces pays, à travers une monnaie commune fondante sur le marché, sans aucune référence, vont être plongées dans une déstabilisation prononcée avec une inflation incontrôlable du fait d’un instrument de mesure dont on ne maitrise pas la dimension.
…. La zone franc, une zone de stabilité et de croissance ?
Le taux d’inflation dans les pays utilisateurs du FCFA avec 2%, contre 7 à 8% dans les autres pays de la CEDEAO est cité comme étant parmi les plus bas alors que le taux de croissance y est encore beaucoup plus élevé +6% contre 3% pour les autres pays, le tout faisant de cette zone une zone de stabilité et de croissance.
Ce qui n’apparaît pas dans les analyses, c’est le divorce qui existe entre les performances macroéconomiques et le panier de la ménagère ou encore l’étendue et l’accroissement de la pauvreté dans les pays utilisateurs du FCFA, un peu comme si l’homme y est sacrifié pour obtenir des indicateurs macroéconomiques au vert.
En effet, le crédit bancaire est restrictif et le taux d’intérêt prohibitif qui permet aux seuls rares projets spéculatifs de haut rendement d’avoir accès au financement.
Nous avons montré le cout exorbitant du fonctionnement des comptes d’opérations et l’erreur de politique que représente la pratique de la dévaluation du FCFA qui est autant de coûts inutiles représentant des fonds perdus pour le développement et qui amputent inutilement les ressources potentielles pour le financement du développement.
La pratique du FCFA, une pratique venue du moyen-âge français …
Nous avons déjà établi au cours de nos travaux précédents le caractère archaïque de la pratique du FCFA, qui, loin d’être une création de 1945, provient plutôt des pratiques obscures des Rois de France alors en proie à des difficultés financières du fait des nombreuses guerres qu’ils livraient.
.. Une pratique reconnue dangereuse depuis N. Copernic, qui provoque la décadence des Royaumes…
En effet, cette pratique provient de la troisième voie de financement du Trésor Royal, à la seule discrétion du Roi et par expropriation forcée à travers la diminution de l’écu, comme encore aujourd’hui on diminue le FCFA.
Les responsables de la nouvelle République de France avaient cru trouver en décembre 1945 à travers cette pratique d’expropriation, revue à l’heure de la colonisation au moyen d’un nouvel écu dénommé FCFA, un moyen de financement pour sauver la République exsangue après les deux guerres mondiales.
Cependant, nous avons établi que cette pratique résulte tout simplement de la méconnaissance du FCFA comme instrument de mesure et qui aura consisté en la diminution des poids et mesures avec comme conséquences l’appauvrissement de la population et la destruction des valeurs de l’actif. En effet, ces pays ont affaire uniquement avec leur instrument de mesure, le FCFA associé à sa moitié ou son double. Il n’est nullement question de deux pays étrangers pour justifier une quelconque dévaluation. En effet, nous savons, depuis D. Ricardo, comment il faut procéder pour comparer les monnaies des pays.
Les pays africains utilisateurs, disposant du même étalon que la France on ne saurait parler de dévaluation entre les monnaies de ces deux groupes de pays.
…. Convertibilité internationale du FCFA ou simple moyen d’arbitrage des opérateurs
Cette idée de convertibilité internationale du FCFA est également justifiée sur la base d’illusion dans l’ignorance du rôle d’instrument de mesure de la monnaie du FCFA. En effet, nous avons vu que le fait de décider que le FCFA vaut 0,02 FF, dans le temps, ou aujourd’hui 0,00152 Euro, ne signifie pas que le FCFA est convertible en FF ou en Euro ou dans les autres devises du monde dans la mesure où, comme nous l’avons vu, le FCFA n’est pas une entité autonome et il ne circule que dans les pays utilisateurs.
En revanche, cette décision de fixité permet aux pays utilisateurs de se fabriquer un instrument de mesure au contenu connu en euro, et de choisir la valeur des biens et services qu’ils produisent sur leur territoire comme étant une quantité d’euro, hier de FF.
…. Le FCFA, absent du marché international, ne présente aucun intérêt pour y être convertible.
Ainsi, contrairement à l’idée de l’accord, le choix du FCFA entraine plutôt la détermination de la valeur au plan national des biens et services produit à l’intérieur des pays utilisateurs du FCFA. Cette fixation du lien entre le FCFA le FF (ou l’euro), permet d’assurer la comparabilité des valeurs à l’intérieur des pays utilisateurs du FCFA avec les valeurs des autres biens produits à l’extérieur.
Cependant, le FCFA lui-même, ne se retrouvant qu’à l’intérieur des pays uniquement utilisateurs, ne saurait présenter un intérêt quelconque pour être convertible sur un marché international dont il est absent, y compris en France qui prétend en être le garant.
… Fabriquer un tel instrument de mesure, pour un usage interne, n’est donc pas compliqué.
Pour fabriquer un tel instrument de mesure, il n’est pas nécessaire d’avoir un quelconque avis de la part d’aucun partenaire, et encore moins de brader ses ressources chèrement acquises en devises en les compromettant pour le développement par pure prédation et pour un service inexistant.
De plus, il n’est même pas nécessaire, comme cela est d’ailleurs actuellement le cas, que cette monnaie du FCFA se retrouve à l’extérieur des pays utilisateurs qui l’auront conçue pour un besoin précis qui est de servir d’intermédiaire locale dans les échanges, c’est-à-dire de numéraire.
Pour fabriquer et rendre disponible un tel instrument monétaire, les pays africains n’ont besoin d’aucune expertise particulière qui puisse apparaître au-delà de la capacité d’un pays, fût-il le plus petit et misérable du monde. Il s’agit de le fabriquer comme tout symbole, par soi-même, ou, par autrui, si celui-ci peut offrir une meilleure condition plus compétitive, efficace et fiable.
Il n’est nullement nécessaire à cet effet de s’aliéner dans des rapports avilissants avec un quelconque pays.
Un tel FCFA, comme instrument de mesure, n’est pas la valeur, mais un simple signe, souverain, pour établir la mesure locale de la valeur de tout bien ou service. Ce sont ces biens et services qui représentent de la valeur, ce que l’instrument monétaire permet de mesurer.
…. N’est-il pas évident que le thermomètre n’est pas chaleur?
Il semble évident que le thermomètre n’est pas la chaleur, mais le meilleur instrument pour déterminer sans appel la température. De même, l’instrument pour mesurer le lait n’est pas le lait, mais un simple instrument, sans valeur, qui permet de déterminer la quantité de lait. Tout cela apparaît évident, mais pourquoi pas le cas de l’instrument monétaire. Il faut donc comprendre que le FCFA n’est pas la valeur, mais un simple moyen pour connaitre la mesure de la valeur des biens et services à travers leur prix. Cela n’est pas compliqué à comprendre, mais plus difficile cependant, serait d’échapper à nos vieilles connaissances dépassées, qui auront trop longtemps façonné notre raisonnement.
…. En effet, depuis Aristote, les appréciations de la monnaie n’ont pas varié.
Par insuffisance d’analyse et de méthode, la monnaie a pu faire l’objet de plusieurs descriptions de rêve, depuis Aristote jusqu’à nos jours, descriptions portant sur les formes de présentation, la qualité du support matériel utilisé, etc.
Cependant, aucun de ses aspects pratiques ne constitue un questionnement qui soit de nature à percer la nature exacte de cet instrument monétaire, qui par essence est un instrument théorique, l’instrument de mesure, un résumé exhaustif de toute la théorie dont il représente l’instrument de mesure[2].
Pour ces pays utilisateurs du FCFA, l’étalon est l’équivalent du FF ou de l’euro aujourd’hui. En réalité, cet étalon n’est pas matérialisé, mais pris comme étant égal en permanence au FF qui était l’étalon français, ou à l’euro, l’étalon européen aujourd’hui. Il s’agit là également d’un point de vue innovant pour la théorie économique, ce que nous avons développé dans le cadre de l’économie dotée de la théorie de la mesure que nous avons désignée par l’Économie scientifique.
Conclusion
De vraies nouvelles perspectives s’ouvrent en permettant à des gouverneurs de banques régionales déstressés pour assurer leur gestion nouvelle au bénéfice exclusif du développement socio-économique proprement dit des populations, tout en ayant désormais en charge des banques centrales régionales débarrassées de ces entorses et autres lourdeurs, ainsi qu’il suit :
- le dépôt de 50% des devises des populations des pays africains en France sur le compte d’opérations qui ne se justifie pas, comme nous venons largement de l’établir ;
- il en est de même pour les intérêts dus à ces pays, qui sont passés sous silence, du fait de ce dépôt inutile ;
- les couts inutiles de conversion payés au profit d’opérateurs français et imposés à ces banques régionales pour mettre à la disposition de la France leur propre argent ;
- les pertes de valeur après conversions en FF ou en euro de leurs devises dans le cas d’une dépréciation de cette monnaie de conversion automatique suite au dépôt inutile d’au moins 50% de devises ;
- les coûts de reconversion, occasionnés lorsque des besoins s’imposent à ces banques régionales qui les obligent à puiser une partie des sommes initialement déposées dans le compte d’opérations ;
- la dévaluation du FCFA, la grosse arnaque, contre-productive, résultant d’une grosse ignorance en économie, l’ignorance des instruments de mesure, constituant pourtant le seul but recherché dans tout ce dispositif mensonger. Elle correspond au moyen de financement supplémentaire à la discrétion du Roi, qui ne pouvait en mesurer les conséquences dévastatrices en termes de destruction de valeur ;
- les dépenses de devises, qu’effectue habituellement une banque centrale, pour soutenir le cours de sa monnaie, ce dont seront dispensés les directeurs régionaux des banques centrales dans l’actuel schéma de fonctionnement du système bancaire ;
- les critères de convergence désormais remplacés par de nouveaux indicateurs de performance pour la gestion de la monnaie plus réalistes et fondés sur une connaissance moderne de l’instrument monétaire à la différence des critères de performance artificiels actuellement en usage, rarement respectés, car imposant des contraintes dont personne ne connait l’apport à l’amélioration de la gestion de l’économie ;
- qu’est-ce qui empêche la France de trouver place dans ce dispositif décomplexé et efficace ?
Ainsi, le système bancaire, débarrassé de ses nombreuses surcharges inutiles, peut désormais, dans le cadre de cette nouvelle vision dans les pays utilisateurs du FCFA, s’intéresser réellement à l’économie et principalement à l’emploi. Le crédit bancaire retrouvera un sens. Les projets viables seront évalués et leur contribution aux objectifs nationaux ou régionaux de développement sera déterminée.
Le crédit accordé représente en réalité la mesure du contenu réel de la valeur des idées du projet, valeur, qui, une fois réalisée, laissera sur place des créations effectives de richesse à travers les salaires, les loyers, les impôts, les réalisations physiques impactant la qualité de vie, le chômage en net recul, etc. Un meilleur suivi des politiques publiques au moyen d’indicateurs plus sensibles aux réalisations économiques peut être assuré, à l’abri des critères artificiels dictés aujourd’hui par une pratique aveugle, sans aucune base expérimentale, copiés pour la plupart sur d’autres regroupements régionaux plus ou moins influents à travers le monde, mais toujours en proie à de très grosses difficultés financières qui menacent chaque jour davantage de mettre à genoux un dispositif depuis longtemps devenu instable et qui est aujourd’hui de nature à encourager les pays africains à prendre possession, pendant qu’il est encore temps, de leur dépôt auprès de la France.
Dr Lamine KEITA, Tel (223) 76 44 39 47 Mail laminemacina@yahoo.fr
Bibliographie
KEITA L., Monnaie et modélisation de l’offre agricole au Mali, Thèse de Doctorat, Université Paris VIII, 1997.
KEITA L., La Théorie économique du XXI èmesiècle – Le Concept de mesure en Economie », L’Harmattan, 2002.
KEITA L., Le fondement de la croissance et de la dynamique en économie, L’Harmattan, 2003.
KEITA L., L’Economie scientifique au secours de l’emploi, L’Harmattan, 2016
KEITA L., L’Economie scientifique au secours des droits humains. Déconstruction de la zone franc, Publibook, 2017
KEITAL, La monnaie dévoilée et le Peuple enfin libéré, Presses Universitaires Européennes, 2019 ;