La vie politique malienne est dure, on le sait depuis toujours.
Mais jusqu’ici, on trouvait encore des candidats de niveau à peu près convenable pour occuper les postes de ministres et d’élus. Certes, le niveau avait baissé, imperceptiblement, certaines classes sociales délaissant les fonctions politiques préférant faire des affaires ou partir travailler à l’étranger.
On s’est donc retrouvés avec des apparatchiks politiques, qui avaient au moins le mérite d’avoir du métier et de connaitre leurs dossiers de fond, par l’exercice de mandats locaux.
Les élections de 2018 et le revirement d’une partie de l’opposition vers la majorité présidentielle ont fait passer par-dessus bord une partie de cette classe politique, au profit d’une « nouveauté » censée apporter la fraicheur.
Aujourd’hui, se pose clairement l’enjeu du recrutement. Quand on voit comment les choses se passent, qui a franchement envie de devenir député, ministre ou même élu local.
Il existe un véritable malaise politique au Mali, avec une fracture béante entre une classe politique complice et vieillissante et une jeunesse d’en bas silencieuse.
Les deux mondes n’arrivent plus à communiquer et à se faire confiance.
L’outil démocratique malien est profondément abimé : une couche de la population est tellement en décalage culturel, qu’elle n’arrive plus à se saisir des outils existants (formatés par et pour les « éduqués ») et à participer au débat public. La preuve, toute la crise politique des dernières années avait pour seul objectif de permettre un partage de pouvoir entre le président Keita et une partie de l’opposition politique, affamée et sans réel emploi.
À cela, s’ajoute une pression de plus en plus forte de la communauté internationale pesant sur le gouvernement, sommé de réviser la constitution du pays pour planter les germes de sa dislocation.
J’approuve pleinement la mise en œuvre de l’accord de paix signé en 2015. Mais il faut reconnaitre que le désarmement et la démobilisation des groupes rebelles sont des préalables à toute réforme institutionnelle.
La demande de la population malienne serait d’avoir pour élus et ministres, des saints qui exercent bénévolement, en sacrifiant toute carrière, pour eux, et pour leurs proches.
Quand aux accusations, elles sont parfois lancées à l’emporte-pièce, et tournent au quasi-lynchage, où la personne mise en cause est inaudible quoiqu’elle puisse dire. Un exemple nous est offert en ce moment, avec l’achat des humidificateurs par le ministère de la Justice.
C’est l’exemple parfait du mauvais procès (alors même qu’en regardant un peu à côté, on peut trouver plus gênant).
Avec une situation politique compliquée ou personne n’est digne de confiance, un poste exposé qui oblige à des sacrifices financiers et/ou de carrière, pour soi, mais aussi son conjoint et éventuellement ses enfants, pour finalement bien peut de pouvoir, qui va se présenter aux prochaines législatives ou municipales ? Certainement pas moi !
On va donc se retrouver avec le dessous du panier, des malhonnêtes, des opportunistes, des demi-fous et des narcissiques, ou des incapables qui n’ont aucun souci de l’intérêt public. Perspective peu réjouissante, mais malheureusement la plus probable, si les choses ne changent pas.
On le voit, le système est à bout de souffle, et n’est plus réparable. On le savait déjà en 2018, et certains ont pu espérer que Soumeylou Boubeye Maiga serait capable d’apporter des solutions. Il nous a fait descendre d’une marche de plus. On avait de l’eau jusqu’aux épaules, on en a désormais jusqu’au cou. Maintenant, nous avons Boubou Cissé.
Au Mali c’est un changement systémique qu’il faut pour sauver notre système politique et notre démocratie.
Cela demande que tous y prennent leur part et s’impliquent concrètement, apprennent ou réapprennent à écouter et respecter les autres, afin de combler les fractures béantes de la société malienne, qui avant d’être idéologiques, sont d’abord culturelles et « de classe ».
Il y a du boulot…
Mais on ne s’en sortira que comme cela.
Séga DIARRAH