L’USRDA et son gouvernement, soucieux de l’avenir du Soudan et surtout de son intégrité territoriale, avaient fait voter «Oui» au referendum du 28 septembre 1958. Le Président Modibo Kéïta expliqua que l’approbation du referendum pour la Communauté visait à prévenir la sécession du pays Targui où les administrateurs «divisaient pour mieux régner». Et, il ajouta: «d’autre part, nous n’avons pas encore réalisé l’unité territoriale». Certains Commandants de cercle, dans les Régions du Nord, avaient créé la mystique du Noir et du Blanc et suscité, même si c’est à l’état larvé, une certaine opposition entre les éléments maures normandes et les éléments noirs sédentaires.
«Si nous avons adopté une attitude qui risquait de nous mettre en opposition avec l’élément colonisateur solidement implanté, le Soudan aurait été amputé de sa partie Nord», Daouda Gary Tounkara, 2008, cité par Boubacar Séga Diallo dans Notre Mali 1960-2010, p.17 AMAP 2010.
Cette analyse de l’Historien Boubacar Séga Diallo concerne la période du référendum du Général De Gaule qui, quelle que soit la noblesse de ses objectifs (légitimité), n’en est pas moins illégal; car, un gouvernement était installé légalement à Vichy qui commandait le Territoire.
En outre, ce même Général vient de revenir à la tête de la République française suite à autre un coup d’état. Ici, nous voulons éclairer la jeunesse sur un fait : la plupart de la condamnation des coups d’état dans un pays est un soutien implicite à la nomenclature. La nomenclature pour endiguer un coup d’état passe par deux systèmes: la récupération en introduisant des autorités capables de tourner dans le mouvement des éléments susceptibles d’assurer la mise en œuvre des objectifs nobles du mouvement; la pression d’une puissance alliée, qui viendrait remettre l’ancien pouvoir en place par la force. La plupart des coups d’états africains sont sans effets novateurs; car, l’ancien ordre a toujours des moyens de la récupération (argent facile, l’embourgeoisement rapide des leaders du putsch).
Cette explication sommaire sur le coup d’état est une parenthèse dans l’objet de notre analyse d’aujourd’hui. Dans ces quelques lignes, nous voulons rappeler aux acteurs politiques le grave danger dans lequel nous sommes dont le clou serait la mise en œuvre des organes transitoires dans les zones du Nord.
Comme vous venez de le lire plus haut, l’USRDA, traditionnellement reconnue pour sa tendance indépendantiste, a, cependant, voté, en septembre 1958, pour la Communauté française. Un vote d’ailleurs qui n’a eu aucune conséquence sur la nature des rapports envisagés par ce parti politique avec la France qui a géré le Soudan comme si elle avait voté «Non» à ce référendum. L’Homme qui était au pouvoir en France à l’époque est un témoin privilégié de danger encouru par la France si elle consentait une communauté franche avec ses anciennes colonies d’exploitation (dont l’économie repose sur la fourniture de matières premières à la France). En outre, la France avait son plan d’exploitation de la Région saharienne du Mali (cf. la loi n°57°27 du 10 janvier 1957). Cette loi portait création d’une organisation commune des Régions sahariennes dont le promoteur est connu : Félix Houphouët Boigny de la Côte d’Ivoire, alors Ministre délégué à la Présidence du Conseil. Par cette loi, nous comprenons qu’il s’agit d’une sorte de fédération politique dont la gestion économique reste du ressort des partenaires que les élus locaux auront choisi. En parcourant cette loi, nous découvrons qu’après cinquante ans de tergiversations sur fond de répressions politiques et d’assassinats, de «salissements» de la mémoire des Hommes lucides des différentes époques, la Métropole réalise finalement son objectif par des accords d’Alger mais pas avec la majorité représentative de ceux dont on prétend défendre le bonheur; dans cette rébellion, il y a une majorité de Blancs qui sont devenus «des galettes».
En effet, les autorités traitant le dossier du Nord sont dans la logique de traiter les nomades comme des étrangers sur leur propre territoire. Témoignent les images à la télé: le Mali, terre d’accueil et d’hospitalité légendaires! Le Mali a donné l’hospitalité non pas à des hommes respectables qui ont tout donné à la République. Le Mali a donné l’hospitalité à des hommes en armes! Au nom de quoi ! Nous sommes très perplexes devant une telle cécité de la part de nos hommes politiques ! Ambition quand tu nous tiens !
Le fait est que, durant plus de cinquante ans, les hommes politiques n’ont pas su mettre en place un système cohérent d’intégration ethnique et surtout un système sécuritaire capable d’endiguer l’insécurité dans une République dont la fragilité a été signalée par une première rébellion en 1963.
A cette époque, l’armée disposait de soldats formés pour la défense de l’ordre républicain. L’ordre politique militaire qui a succédé ces «nationalistes», très portés vers l’individualité de leur engagement en excluant la diversité et la sincérité de l’autre, est responsable de l’hémorragie faite dans l’armée à travers la gestion des différents coups d’état vrais ou supposés. Si ce militaire au pouvoir, quelle que soient les armes mises à la disposition de l’armée, n’a pas pu former des soldats à l’image de ceux qui ont été emportés par les vagues houleuses et déferlantes de sa gestion du pouvoir, qui pourrait le faire ? «Personne» est la réponse non partisane !
Dans ce pays, les intellectuels et Hommes politiques ont cessé de penser à la nation. Chacun est aligné derrière un Homme, une idéologie politique alors que le paysan a faim, il a soif, ce système l’oblige, à travers des «opérations de développement» à produire des choses dont le prix est fixé ailleurs. Ils s’endettent (le pays s’endette en son nom) auprès des organisations qui fixent le prix de ses produits.
Durant cinquante ans, on parle d’autosuffisance alimentaire, le pays n’est pas encore autosuffisant. Avec une population paysanne, travailleuse, patiente et disciplinée, les décideurs politiques n’arrivent pas à créer un système de production tourné vers, en priorité, la consommation pour ensuite satisfaire les autres. Le pays reste ouvert à l’importation des produits qu’il peut produire partout et en quantités suffisantes, pourvu qu’on ait la volonté. C’est cette volonté qui manque ; car, en important des produits tels que le riz, le sucre, les exonérations pleuvent, les cadres s’en donnent à cœur-joie pour finalement dire que «le paysan malien ne veut pas travailler».
«Mes chers cadres, montrez au paysan que le travail peut faire vivre son homme». Le travail ne fait pas vivre le Malien, le travailleur malien consciencieux n’a rien, il n’est rien ou bien il est quelque chose. «Le travailleur consciencieux est un maudit », il n’a pas la « baraka », il est oublié des Dieux de notre chère République où l’assassin d’hier devient le justicier d’aujourd’hui, où il faut se faire dissident pour être invité à la table du partage. Qui peut construire dans un tel pays ? Dieu, nous diront-on, ceux qui ont tout mis sur le dos de notre « Créateur Miséricordieux, Le Juste, L’Equitable ». Nous enverrons les partisans de cette réponse à cet avertissement d’un des Responsables du PNUD en poste au Mali lors des événements de mars 1991, un Pakistanais, il dit qu’il partage avec les Maliens dans une large proportion l’Islam. Il affirme que Dieu dit dans le Coran: «Si tu veux que ta condition change, il faut que toi-même tu changes». En terme clair, Dieu ne permet à aucun Homme d’accepter une injustice en son nom, l’Homme a son libre arbitre. Mais, même dans la revendication de ses droits, il faut respecter dans son adversaire et en tout homme sa part de dignité.
Nous ne nous éloignons pas du sujet, les hommes politiques en fonction de leur mégalomanie n’ont pas compris qu’il y a des points de gestion qu’il ne faut pas occulter au risque d’être rattrapé par l’histoire.
Le Régime militaro-civil ayant décapité l’armée a eu à faire à la rébellion armée au lendemain de la chute du Mur de Berlin. C’était un savant calcul des promoteurs de partition du territoire malien. La faille ouverte dans le système Moussa Traoré, désormais lâché par ses mentors d’hier, s’est trouvé devant le puits que la gestion de son pouvoir a creusé. La solution la plus simple et plus suicidaire c’était de le pousser qu’il tombe dans le puits. En faisant cela, on oublie le pays. C’est ce qui s’est passé : on a béni la rébellion, mieux on l’a adoptée en oubliant bien la définition la plus élémentaire du rebelle. Il faut simplement faire comprendre à la jeunesse que l’ambition démesurée conduit au suicide. Les associations et organisations politiques ayant adopté la rébellion se sont suicidées. La preuve : Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Des associations incapables de rassembler une cinquantaine de membres.
La mort des formations politiques est dramatique. L’USRDA, un parti créé en 1946, totalement absent sur l’arène politique; le parti ADEMA, le CNID, des associations et partis politiques tellement émiettés en d’autres formations qui n’existent que par le charisme de leurs Présidents ou les affinités extrapolitiques de leurs leaders.
Face à tout cela, n’est-il pas temps pour les Hommes politiques et surtout les intellectuels d’oublier « le poids de leurs poches » et « le poids de leurs diplômes » pour se dire que le pays a besoin de tous ses fils et que, quelle que soit l’intelligence d’un Homme, il ne saurait trouver seul la solution aux problèmes de plus de Quinze Millions d’Hommes sans, au préalable, leurs avis, leurs écoutes. Il est temps de décoloniser le pouvoir dans l’esprit des gouvernants et les cadres. En effet, c’est au nom de la supériorité de la langue française ou de la langue arabe que les gens se donnent des droits sur les autres. En plus de cinquante ans, nous n’avons eu aucune preuve de l’impact de « la lourdeur de leurs diplômes» sur la marche du pays, au mieux nous constatons l’aveuglement, la suffisance, l’intolérance, la division, la mégalomanie du « sans moi, il n’y a rien ». Dans tout les cas, quels que soient les arguments que les signataires de l’Accord d’Alger auront avancé, le résultat est que sa mise en œuvre à travers les Commissions transitoires nous rejoignons de fait le souhait de la loi n°57-27 du 10 janvier 1957. Inutile de pleurer sur les débris d’un canari cassé ou de l’eau versée. Il s’agit de savoir que l’unité d’un pays ne s’octroie pas, elle se forge à l’Histoire, quelqu’un a dit : «Avec des héros anonymes ».
Concluons par :
- La citation latine : «Errare humanum est, perseverare diabolicum».
- Confucius : « Si tu commets une erreur et que tu ne la corrige pas,
c’est là que tu commets véritablement une erreur».
- La citation Bambara (Beaucoup répétée aux différents Présidents maliens par Feu Monseigneur Luc Sangaré): « Si ton ami ne te dit pas la vérité, paie ton ennemi pour qu’il te la dise».
Nous souhaitions que notre salaire soit la sagesse de lire humblement nos propos.
Bamako, le 16/07/2016
Adama Ali KONE, Demeurant à Titibougou