mardi 16 avril 2024
Accueil | Oeil du combattant | L’ŒIL DE SONIA : La Banque mondiale, l’industrie de la pauvreté

L’ŒIL DE SONIA : La Banque mondiale, l’industrie de la pauvreté

Si l’on me demande quelle image ai-je de l’Afrique ? Ma première vision sera cella de la misère, de la famine, des pays arides et désertiques : normal puisque les médias du monde entier nous répètent indéfiniment que vous êtes pauvres ! Un message le plus souvent appuyé par des images chocs pour nous inciter à la charité, à la solidarité…
Et comme nous ne sommes pas indifférents à la détresse, à la douleur de l’autre, notre générosité va s’exprimer au travers de ces dons qui sont une manne financière pour toutes ces associations caritatives, les ONG, les œuvres de charité, certaines célébrités qui œuvrent également pour de meilleures conditions de vie. Sans oublier la Banque mondiale qui coopère avec le Fonds monétaire international (FMI) pour aider le Tiers-monde à se développer.
Au départ, je n’ai rien contre cette bonne intention qui consiste à aider l’autre et le système me semblait cohérent sans pour autant en avoir fait une analyse sérieuse. A chaque catastrophe naturelle, guerre ou épidémie, ces systèmes s’engouffrent dans cette faille pour nous inciter à donner chaque fois plus et cela fonctionne. Je ne saurais dire exactement le montant perçu, mais je devine qu’il est faramineux.
Le message est toujours le même est le suivant : situation d’urgence, nous comptons sur votre générosité pour sauver des vies humaines ! Paradoxe : ces urgences s’éternisent depuis un demi-siècle et le changement n’est pas vraiment visible si j’en crois les dernières nouvelles. A qui profite donc cette manne d’argent ?
Je me demande aussi, si les ONG ont la sympathie du public, sommes-nous certains qu’elles n’entretiennent pas des relations étroites avec les dirigeants politiques ou ceux des multinationales ou sociétés transnationales et favoriseraient certaines d’entre-elles ?
Combien de ces ONG, avec la Banque nationale et ses filiales, ont financé des projets avec l’implantation d’usines sur des terres cultivées, des forêts entraînant la destruction de l’environnement et la pollution des cours d’eau par des produits chimiques ?
Au niveau de la Banque mondiale, sans entrer dans le détail, on se rend vite compte que le pouvoir de gouvernance n’appartient qu’à certains, notamment les pays les plus riches.
Il est également intéressant de souligner le nombre d’employés de cette institution de Bretton Woods qui, actuellement, compte plus de 11 000 personnes à rémunérer. Ainsi, nous les habitants des pays membres, nous payons des taxes dont une partie est reversée à cette industrie de la « pauvreté ».
Ses employés travaillent dans de très bonnes conditions avec des voitures climatisées, perçoivent un bon salaire et bien souvent ont des domestiques. Tout cela a un coût d’où le nom d’industrie de la pauvreté car, au final, c’est la misère qui lui permet d’exister et même de vivre confortablement.
A cela s’ajoute la générosité de chacun à travers des associations caritatives en tous genres (très nombreuses) ainsi que les ONG (rappelons que la Banque mondiale et ses filiales peuvent financer en partie les projets des ONG).
Il ne faut pas se leurrer car toutes ces organisations, pour fonctionner, ont aussi des frais qui seront imputés sur les dons. Si lors d’une catastrophe je fais un don financier, son utilité première sera de financer les frais au bon fonctionnement de ces organismes et l’infime partie restante reviendra à ceux qui en ont le plus besoin. Encore un paradoxe !

Une nouvelle colonisation
Cependant, cela ne s’arrête pas là. L’industrie de la pauvreté est la nouvelle colonisation car misère égale à business. Il est évident que tous ces organismes n’ont aucun intérêt à ce que vos pays se développent étant donné qu’elles auraient tout à y perdre. A force de nous répéter que vous êtes pauvres, il n’y a plus qu’un pas à faire pour en déduire que vous êtes incapables de prendre votre destin, votre développement en main.
Au lieu d’apporter l’aide financière au développement de vos entreprises, on préfère produire nous-mêmes pour ensuite vous le donner. On ne vous apprend pas à pêcher, mais à vivre des produits de la pêche.
Une capacité de production perdue qui vous met à l’écart du système économique, de l’essor du progrès technique, donc de la croissance. Alors que l’impôt sur les sociétés serait déjà une source de revenus pour votre gouvernement, on continue à vous distribuer des produits gratuitement et ainsi vous restez dépendants de ce système.
Pis, en agissant ainsi, on détruit des entreprises qui, face à la gratuité, ne pourront plus vendre leur travail. De même en ce qui concerne les grands travaux exécutés par des entreprises étrangères grâce aux subventions des Partenaires techniques et financiers (PTF). Les bénéfices de ces aides financières reviennent finalement aux entreprises ainsi qu’à leurs actionnaires.
Au lieu de construire le développement économique, qui rappelons-le est le rôle de la Banque mondiale et de ses filiales, nous avons mis en place le paternalisme responsable de toute une génération dépendante de cette communauté de donateurs.
Communauté qui entretient votre misère en vous accordant des prêts qui, en contrepartie, demande des ajustements structurels concernant les lois et/ou l’orientation des politiques économiques qui bien souvent ne correspondent pas à vos valeurs, vos normes sociales, votre manière de fonctionner. Une manière perfide de créer des relations tendues entre les communautés locales et le gouvernement avec un risque d’escalade de la violence pouvant entraîner des morts.
Des emprunts qui ont fait de vous des esclaves économiques car une dette structurelle qui vous empêche de sortir de l’impasse. Il est injuste que ce soit la population qui en paye les conséquences : mauvaise gestion et détournements ! Si l’argent reçu est dilapidé, non seulement le pays sera incapable de rembourser sa dette mais, en plus, il va en contracter d’autres pour rembourser ses dettes antérieures. A-t-il vraiment le choix de refuser ?
Les grèves, les manifestations, les malversations, les fraudes, l’exclusion du football par la Fifa, la montée de la violence, la perte d’identité… sont les conséquences d’une telle économie qui détrousse les plus vulnérables. Il faut donc en finir avec la corruption pour pouvoir s’affranchir de ce paternalisme.
Attention car ce fléau de la misère organisée fait de vous des individus égarés et il est urgent pour vous de lutter pour conserver votre identité. Si rien ne change, l’insécurité liée au chômage va augmenter, les enfants n’iront plus à l’école, les filles seront prêtes à tout pour aider leurs parents devenant du coup des proies faciles pour le tourisme sexuel… Puis viendront les drogues et la prostitution.
A qui profite le plus ce système actuel : les personnes qui sont dans le besoin ou celles qui travaillent pour l’industrie de la pauvreté ?
Dire que c’est volontaire, je ne sais pas, je ne suis pas une économiste. Mais il demeurera tant que cette industrie mondiale de la charité ne vous reconnaîtra pas comme des personnes de droits avec des valeurs, une identité propre, des savoirs car NON, l’Africain n’est pas stupide, loin de là…. Mais voilà !
Sonia LE REFLET

Djibril Coulibaly

Voir aussi

Quand la subtilité de l’art de la diplomatie échappe aux donneurs de leçons

  La tension entre le gouvernement malien, la MINUSMA et ses soldats ivoiriens suscite chez …

Laisser un commentaire

Aller à la barre d’outils