vendredi 29 mars 2024
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Lettre ouverte d’un étudiant malien en Belgrade au président IBK : << Toute forme étatique décline uniquement à cause de ses erreurs internes >> Platon, Politique.

Excellence monsieur le président de la République chef de l’Etat,
Excellence, l’un de vos fils que je suis, étudiant de son état, un simple citoyen lambda ayant vécu plusieurs années au Mali dans toute sa diversité géographique et culturelle, étant profondément imprégné des problèmes auxquels est confronté notre chère patrie et appartenant à la basse couche sociale du point de vue économique, a décidé de briser la loi du silence pour s’adresser directement, avec la plus grande humilité et modestie possible, en votre auguste personnalité en tant que père avant tout, et chef d’Etat.
Excellence, à l’image de l’étudiant malien, je me livre à cet exercice exaltant sachant bien que je n’ai aucune légitimité du point de vue de représentativité et aucune compétence particulière dans la gestion des affaires politiques pour m’octroyer ce droit. J’ai simplement compris que dans un pays qui se dit << démocrate >>, la liberté d’opinion et d’expression est un droit pour tout citoyen. C’est ainsi que je me suis arrosé de ce droit pour vous exprimer, en ma manière et à partir de mon humble observation, mes sentiments sur le contexte actuel de notre pays tant déchiré par les conflits inter-ethniques du sud au nord et par la division de ceux disant favorable à la réforme constitutionnelle et ceux qui s’opposent catégoriquement à celle-ci.
Excellence, j’essayerai d’être le plus concis possible dans l’espoir que vous puissiez prendre quelques minutes de votre précieux temps pour me lire. Dans cette lettre, je ne saurais vous dire ce que vous n’aviez déjà entendu et vous proposer une solution miraculeuse pour la résolution des crises actuelles de notre pays. Qui suis-je pour prétendre faire cela et avec quelle expérience ? La particularité de cette lettre s’inscrit dans un esprit absolument étanche aux influences pernicieuses ainsi qu’aux suggestions dépourvues de tout mensonge et de tout intérêt politique.
Excellence, en vous, les maliens voyaient l’homme qui était capable d’alléger leur souffrance, d’essuyer les larmes des orphelins de guerres, de donner une souffle de vie aux veuves, une bouffé d’oxygènes aux jeunes qui, encore rejoignent chaque jour par milliers leur dernier demeure (océan atlantique),une dignité et une fierté à la hauteur de leur histoire commune comme celle liée à l’empire du Ghana, du Songhaï et celui du Manding etc… Mais, quatre ans de gouvernance ont tendance à suffire une partie importante du peuple à changer de vision et de discours car la politique pour l’honneur et pour le bonheur de maliens semble n’avoir pas retrouvé sa direction initiale – l’espoir semble se fondre en désespoir et le peuple s’est déjà mis à la recherche et peine à retrouver l’homme qui était reconnu par sa rigueur et son << KANKELETIGIYA>>.
Excellence, comme tout malien, je suis conscient des conditions dans lesquelles vous aviez été investi à la tête de la magistrature suprême. Vous aviez hérité d’un Etat affaissé, mais dans cet affaissement, vous êtes à la foi comptable et acteur car ayant occupé les plus hautes fonctions de la sphère étatique depuis les premières heures de l’avènement de la démocratie jusqu’aujourd’hui, vous ne saurez être présenté comme un « innocent ».
Excellence, les problèmes du contexte actuel commencent à prendre des dimensions plus inquiétantes. Notre histoire pourtant remplie de bravoure, de vaillance, du héroïsme et des acquis sociaux tels que le dialogue, le vivre ensemble et la cohésion sociale, semblent disparaitre à nos jours. Les récents conflits inter-ethniques entre Peulh et Dogon, entre Bamanan et Peuhl, entre Ifoghass et Imghade sont des exemples illustratifs de la déliquescence de ces valeurs sociétales. Pour la résolution de tels conflits, vous aviez donné l’occasion aux diplomates de s’exprimer, aux militaires de développer leurs manœuvres, aux experts de toute catégorie confondue de se mettre autour de la table pour la réflexion sur les mécanismes d’une sortie de crise, mais le statuquo pour une paix durable n’est pas promettant ou du moins tenable. Les valeurs et principes qui fondent notre pays faisant de nos autorités coutumières et traditionnelles de toutes les catégories sociales des acteurs incontournables dans la résolution de conflits car ayant plus d’influence sur les autres couches de la société toute entière, je vous propose, excellence, pour renforcer vos stratégies de sortie de crise, d’organiser exclusivement un forum ou du moins un cadre d’échange entre toutes nos autorités coutumières et traditionnelles de tout le niveau afin qu’ils puissent, eux aussi, interrogés leur conscience, se regarder en face et regarder le Mali d’hier et celui d’aujourd’hui. Je vous saurais développer, excellence, les ténors et les détails de cette proposition dans une autre lettre si elle vous en serait nécessaire.
<< La première conjoncture que l’ont fait de la tête d’un prince, est de voir les hommes qu’il a autour de lui. S’ils sont sages et capables, on peut se faire une bonne idée de lui. Sinon la première idée qu’il fait, il la fait dans ce choix >> Nicolas Machiavel, le prince.
Excellence, par votre entourage votre pouvoir semble devenir un mythe où chacun la manipule pour sa cause personnelle. La vérité vous ait escamoté par les hommes de votre entourage ; elle est loin d’être ce que vous croyez qu’elle en soit. Pour la lumière du jour, ils vous cajolent plus qu’ils ne vous disent la vérité devant votre responsabilité. Jamais ils ne vous informeront de ce qui se passe quotidiennement dans le Mali profond ; jamais ils ne vous diront que le pays est au bord du gouffre, que le vent de la popularité souffle en votre défaveur ; que le peuple malien porte actuellement une purulence de plaie dans son cœur et dans son âme. Excellence, jamais ils ne vous diront qu’une grande partie du peuple ne se reconnaisse plus en vous ; que vos communications ou cellules de communications atteint difficilement le bas peuple ; que les maliens, à longueur de journée, s’entre-tuent, se suicident et se brulent vif par le fait de la cherté de vie, de l’insécurité grandissante et de manque d’initiatives et d’informations de la part de l’Etat central pour créer les conditions d’une confiance mutuelle entre frères et sœurs du même pays, pour apaiser les esprits et désarmer les cœurs.
Fort de ces tristes réalités, excellence, je vous suggère, avec la plus grande humilité et le plus grand recul, d’aller souvent au-delà de vos traditionnelles structures de service de renseignement, d’information ou transmission d’information pour s’abreuver réellement aux véritables réalités des maliens, être sensible à leur cri de cœur afin de leurs apporter des solutions idoines. Excellence, qui suis-je pour vous rappeler que quand on est resté longtemps dans le silence, on peut finir par s’y complaire ?
Excellence, la politique pour le bonheur et de l’honneur de maliens étant au deçà des ententes, comme moi, une grande partie du peuple se pose constamment la question de savoir si la direction empruntée par vous pour conduire le bateau Mali à bon port soit la bonne ou les hommes chargés de le conduire ne connaissent le chemin idéal.
Excellence, sur la révision constitutionnelle je ne saurais élargir la dimension de ma lettre car si les choses sont claires, point ne besoin de les commenter. Comme vous, je sais que le peuple a droit de revoir, de reformer et de réviser sa constitution, mais cela doit se passer dans un contexte apaisé et les évidences de ce contexte sont largement précisées par l’article 118 de notre charte fondamentale << aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire >>.
Enfin, excellence, je ne saurais me séparer de mon stylo sans me plonger dans les valeurs traditionnelles de notre société définissant strictement l’attitude et le rapport entre père et fils, et me considérant dans le grand vestibule du Manding en m’adressant aux sages et pouvant, par force de l’émotion ou manque de maturité, commettre des erreurs. Si tel en est le cas, excellence avec la plus grande profonde humilité et en s’agenouillant devant votre sagacité, je vous présente mes excuses. Son excellence, en implorant Dieu pour la paix au Mali et en vous souhaitant bonne réception, je conclurais ma lettre avec cette pensée de Mirabeau :
<< celui qui a la conscience d’avoir mérité de son pays et surtout de lui être encore utile, celui qui ne rassasie pas une vaine célébrité et dédaigne le succès d’un jour pour une véritable gloire, celui qui veut dire la vérité, qui veut faire le bien public indépendamment des mobiles mouvants de l’opinion populaire, cet homme porte en lui la récompense de ses services, les charmes de ses peines et le prix de ses dangers ; il ne doit attendre sa moisson, la destinée de son nom que du temps, ce juge incorruptible qui fait justice à tous >> Mirabeau.
Dans l’espoir que la présente retiendra votre particulière attention, je vous prie de croire, excellence monsieur le président de la République, en l’expression de mes sentiments patriotiques.

Belgrade, 02 août 2017

SEKHOU SIDI DIAWARA connu sous le nom de << SERPENT >>
Étudiant en anthropologie à la faculté de philosophie de Belgrade
Tel : 00 381 64 0807 656
Diawara.sekhousidi@yahoo.fr

Djibril Coulibaly

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