vendredi 29 mars 2024
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Le ‘’sinankouya’’: En user sans en abuser

Le ‘’sinankouya’’ (cousinage à plaisanterie) est une invention que la société manding a su initier et apprécier à sa juste valeur. Exploité à bon escient, il permet à deux individus ou deux communautés de s’arracher mutuellement les concessions les plus douloureuses ; de surmonter des difficultés ou gérer des situations qui eussent été insolubles. Bref, il permet des régulations sociales miraculeuses, en faisant accepter l’inacceptable.

Cependant, des personnes peu scrupuleuses le récupèrent pour soustraire à leurs partenaires des intérêts et profits indus. J’ai connu personnellement des hommes et des femmes qui affectionnent se servir du ‘’sinankouya ‘’. Dans les milieux où ils sont connus, ils n’affichent pas leur vrai nom de famille. En bons connaisseurs du système, ils prennent dans chaque circonstance le nom qui les arrange. Par exemple, si la personne qui est dans leur collimateur est Bozo ils deviennent Kado. Quand celle-ci est peulh, ils sont forgerons, etc. J’ai rencontré une de ses dames dans un transport public. A bord du même véhicule, un monsieur à l’apparence riche avait décliné son nom dans le fil de la conversation. La dame sauta sur l’occasion en se réclamant du nom opposé. ‘’Batradén’’ lui dit-elle, tu es mon esclave. Tu paieras aujourd’hui mon ticket de transport (mon Sotrama pasé) et ce n’est pas tout, tu t’acquitteras de mon prix de condiments.

Certains se montrent très maladroits en pratiquant, à tort ou à raison, le sinankouya. Ils en profitent pour cribler leurs sinankous d’injures graves, très blessantes. Ils les harcèlent par des attouchements corporels souvent impudiques, des propos avilissants. Ils utilisent le sinankouya pour faire des incursions délibérées dans le domaine interdit qui réglemente les affaires ou la tranquillité de leurs correspondants.

Ces sinistres contrevenants ne diminuent en rien le pouvoir magique du sinankouya à huiler les relations sociales. Il détend l’atmosphère et met à l’aise. On a coutume de faire allusion au fameux haricot avec comme ingrédients la jovialité et des gros rires comiques. Mais, dans un contexte où la morale se dégrade chaque jour, n’est-il pas à craindre que ce merveilleux instrument culturel qui a fait ses preuves dans nos sociétés, devienne un couteau à double tranchant ?

El hadj Drissa DOUMBIA, Écrivain, domicilié À Yirimadio, Bamako : LE COMBAT   

Rédaction

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